mercredi 13 avril 2016

Le suicide chez Kevin Costner


Dans Danse avec les loups (Dances with Wolves, 1990), le lieutenant Dunbar (Kevin Costner) de l’armée unioniste est grièvement blessé à la jambe sur un champ de bataille de la guerre de Sécession entre les États du Nord et ceux du Sud. Il n’échappe à l’amputation que de justesse. Épuisé, lassé par tant de tueries, submergé par un abîme de désespérance, il décide d’en finir. Le lieutenant enfourche alors un cheval et vient galoper à quelques mètres des lignes confédérées, attendant le coup de grâce qui mettra fin à son calvaire. Dans cette chevauchée ultime, il offre son corps en sacrifice, telle une figure christique, bien décidé à endosser toute la culpabilité et tous les péchés des hommes. À l’arrière-plan, les Sudistes sont en train d’ajuster leurs tirs et de le mettre en joue …..
Le suicide est une figure rare dans le western. Michel Cieutat (1) nous dit que c’est parce que Hollywood et l’Amérique ont une foi inébranlable dans la vie. Le Code Hays, chargé de vérifier, de 1934 à 1968, les bonnes mœurs des films,  recommandait fortement de ne pas  montrer le suicide à l’écran. Dans la société américaine qui a érigé le succès comme un horizon ultime à atteindre, le suicide, expression d’une souffrance insoutenable, ne peut être qu’un constat d’échec contredisant toutes les valeurs (travail, détermination, courage) qui ont fondé l’Amérique. Mais néanmoins quelques exemples prouvent que certains réalisateurs ont su contourner la censure. Ainsi, Billy the Kid (Paul Newman) affronte Pat Garrett, mais avec un revolver vide dans Le Gaucher (The Left-Handed Gun, 1958), de même que Brendan O’Malley (Kirk Douglas) face à Dana Stribling (Rock Hudson) dans El Perdido de Robert Aldrich (1961).Tony Sinclair (John Cassavetes) préfère retourner son arme contre lui plutôt que d’affronter son frère, Steve (Robert Taylor) dans Libre comme le Vent (Saddle the Wind de Robert Parrisch, 1958), tandis que les outlaws de la Horde sauvage de Sam Peckinpah (The Wild Bunch, 1969) s’autodétruisent dans un baroud d’honneur contre l’armée mexicaine parce qu’ils sont conscients qu’ils sont devenus, au début du XXe siècle, des vestiges du passé. Enfin, le capitaine Benjamin Tyreen (Richard Harris), dans Major Dundee (1965)  du même Peckinpah, blessé à mort dans un combat contre les lanciers français au Mexique, préfère se jeter dans une charge solitaire contre les lances des cavaliers de l’empereur Maximilien. La rédemption est donc impossible pour tous ces personnages et la mort volontaire devient la seule échappatoire à une situation qu’ils ont jugée sans issue. Pour le lieutenant Dunbar par contre, le miracle se produit; il échappe à tous les projectiles qui sifflent autour de lui et survit à cette immolation. Il pourra ainsi renaître au contact de la tribu sioux qu’il rencontrera au cours de son odyssée dans les Grandes Plaines du Dakota du Sud.


(1) Michel Cieutat, Les Grands thèmes du cinéma américain, Éditions du Cerf (1988) p.245 et 246 




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