vendredi 29 avril 2016

Le générique chez Robert Aldrich


Ce générique du Grand Couteau (The Big Knife, Robert Aldrich, 1955) est l’œuvre du génial Saul Bass. Ce graphiste américain est le créateur de dizaines de génériques, tous plus superbes les uns que les autres (Psychose, la Mort aux trousses, Sueurs froides d’Alfred Hitchcock, L’Homme aux bras d’or, Autopsie d’un meurtre d’Otto Preminger ou encore Les Nerfs à vif et Casino de Martin Scorsese). Ils forment tous un film dans le film et donnent, de manière narrative et figurative, un résumé des scénarios mis en scène. Ici, Le Grand Couteau  est une nouvelle incursion dans le monde impitoyable du cinéma hollywoodien et une mise en abîme équivalente à celle de Sunset Boulevard ( Billy Wilder, 1950). Charlie Castle (Jack Palance, sublime !) est un acteur qui se trouve à la veille de la reconduction de son contrat détenu par le producteur Stanley Hoff (Rod Steiger, non moins sublime !). Charlie cherche à reprendre sa liberté de création mais se retrouve piégé par un chantage que Hoff exerce sur lui. Le générique s’ouvre sur un plan rapproché épaule, cadrant Charlie, tête baissée. Le fond est noir, impénétrable. Puis, progressivement, Charlie se prend la tête entre les mains, manifestant une souffrance intérieure insoutenable, une dépression qui finira par déchirer son  cerveau – mais aussi l’écran - en le faisant éclater, comme autant de brisures, en mille morceaux. En quelques minutes, Saul Bass épouse le point de vue de Robert Aldrich sur Hollywood : l’usine à rêves détruit les êtres qui veulent s’émanciper de sa tutelle. Le contrat faustien que doit signer Charlie n’est rien d’autre qu’une soumission aux directives d’un producteur tyrannique qui a droit de vie et de mort sur lui. Le visage torturé de Charlie menace de disparaître au bas de l’écran comme poussé par des forces qui le submergent. L’homme est nu, sans défense, enveloppé par l’obscurité environnante. Les déchirures sont autant de signes d’enfermement qui rendent ses velléités d’indépendance dérisoires.
Rejeté par Hollywood, Robert Aldrich est un cinéaste extrêmement critique vis-à-vis de l’industrie cinématographique. Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?/What ever happened to Baby Jane ? (1962), Le Démon des femmes/The Legend of Lylah Clare (1968) et Faut-il tuer Sister George/The Killing of Sister George (1968), seront autant de témoignages amers, désabusés, voire désespérés sur le milieu du spectacle qui broie impitoyablement – sous le soleil californien - les individus préférant les chemins de traverse. Charlie Castle et Robert Aldrich ne font qu’un.





                                           

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