lundi 11 avril 2016

Le racisme chez Gordon Douglas




Cette ouverture de Rio Conchos (1964) est d’une fulgurance et d’une violence saisissantes, empreintes d’une noirceur totale, contemporaine des westerns de Sam Peckinpah (La Horde sauvage/The Wild Bunch, 1968) et annonciatrice de ceux de Clint Eastwood (Impitoyable/Unforgiven, 1992). Quelque part au Nouveau-Mexique, peu après la fin de la guerre de Sécession, un groupe d’Indiens pratique un rite funéraire dans un paysage aride, désolé, écrasé par une chaleur étouffante. Au loin, surgit un cavalier qui met pied à terre, s’empare de sa winchester et abat méthodiquement, les uns après les autres, tous les infortunés Apaches sans défense. Début du générique …….

Cet homme, c’est James Lassiter (le meilleur rôle peut-être de Richard Boone), ex-major sudiste, devenu tueur d’Indiens après que sa famille ait été massacrée par une bande d’Apaches. La haine que voue Lassiter aux Indiens s’exprime ici dans toute sa cruauté. Ce ne sont  pas seulement les Apaches qu’il veut éradiquer mais aussi leur culture, leurs rites, leur existence même. Ces Apaches sont en train de recouvrir de pierres le cadavre d’un défunt. En dépit de leurs allées et venues qui balaient le cadre, nous voyons immédiatement dans la profondeur de champ et quasi-centré sur l’écran, bien découpé entre sable et montagne et encadré par les branches mortes des arbres desséchés, l’archange de la vengeance et de la mort. Une forte plongée écrase le tueur. Tout dans son attitude montre que ce n’est pas la première fois qu’il perpètre ce type de tuerie de masse; le calme, la détermination, les mains gantées - signe de professionnalisme - et l’habileté diabolique au tir. James Lassiter fait partie de ces tueurs d’Indiens qui hantent les westerns. Les alter egos de l’ex-major qui tuent des Indiens par vengeance ou par cupidité (la recherche de scalps) ou les deux à la fois  sont nombreux; le sergent Vinson (Joel McCrea) dans Fort Massacre de Joseph M. Newman (1958), Charley (Robert Taylor), le chasseur de bisons dans La Dernière Chasse (The Last Hunt de Richard Brooks, 1956), le major Degan (Richard Carlson) dans L’Expédition du Fort King (Seminole de Budd Boetticher, 1953) ont en commun le racisme érigé en bannière. Leur folie criminelle est la face noire de la Conquête de l’Ouest et la personnification de la culpabilité américaine vis-à-vis de cet ethnocide pratiqué à une grande échelle. Quelques secondes suffisent à James Lassiter pour accomplir son crime. Un silence assourdissant succède à la fusillade et enveloppe les Apaches gisant sur la terre rougie par leur sang.




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