mardi 16 avril 2024
L'ombre et la lumière chez Anthony Mann
jeudi 28 mars 2024
Le pressentiment chez Francesco Rosi
L’ouverture
de Cadavres exquis (Francesco Rosi, 1975) est saisissante autant par le
lieu révélé que par l’énigme qu’elle représente. Un homme vieillissant, le
procureur Varga (Charles Vanel), après avoir déambulé quelques minutes dans les
catacombes des Capucins de Palerme, en Italie, se dirige à travers un long
couloir vers un escalier débouchant sur le monde extérieur. Dans ce dédale de
galeries dont les murs et les sols sont bordés de cadavres momifiés et de
cercueils, il est à l’abri des perturbations de la ville, face au néant, face à
la mort, pour contempler les crânes, les orbites vides, les bouches grandes
ouvertes, déformées par des cris silencieux, les corps desséchés à la peau
ridée, encore revêtus de leurs vêtements d’origine. La semi-pénombre, le
silence et la solitude lui permettent manifestement de s’émanciper des repères
habituels, d’oublier quelques courts instants son quotidien ou de méditer sur
la vanité de l’existence, sur la vision de son futur et donc de son destin. Le
regard perdu dans la contemplation muette de ces restes humains, cherchant à
mieux saisir cette palpitation secrète de la mort, il semble préoccupé par sa
propre finitude, par son memento
mori[1]. Dans cette imagerie spectrale rappelant les
peintures de Jérôme Bosch ou de Brueghel l’Ancien, et qui va probablement
inspirer l’ouverture de Nosferatu, fantôme de la nuit (Werner Herzog,
1978), Varga sait bien, particulièrement dans ce lieu de recueillement et
surtout à son âge, que la mort est la suprême mesure de l’homme.
Dans
ce plan fixe, saisissant toute la profondeur de champ de l’image, Francesco
Rosi a construit une géométrie de l’espace comme un peintre de la Renaissance
aurait pu le faire avec un tableau. Le réalisateur italien utilise la
perspective grâce à des lignes obliques convergentes qui orientent le regard du
spectateur vers un point de fuite matérialisé par le ciel, au-delà de
l’escalier, permettant de nous projeter vers l’extérieur des catacombes, comme
pour fuir cet environnement infernal. Le rejet symétrique des momies et des
cercueils sur les bords opposés du photogramme permet de former autant de
lignes parallèles dont le tracé organise un monde dans lequel l’enfermement le
dispute à une angoisse sourde et un malaise nourri par l’omniprésence de ces restes
funèbres. Enfin, au centre de l’image, dans l’axe de la composition, Varga,
situé entre le monde des morts et celui des vivants, se dirige vers la sortie
du cimetière souterrain, indifférent cette fois-ci aux têtes baissées des
momies qui semblent lui rendre un hommage par-delà la mort. Néanmoins, alors
que tout invite au déséquilibre et à la tension, la verticalité des colonnes, à
l’arrière-plan, donne l’impression que Varga a réussi à prendre de la hauteur
par rapport à sa méditation, ouvrant une brèche dans un monde jusque-là
vacillant.
Tension,
ai-je dit plus haut. En mettant en scène le questionnement quasi métaphysique que Varga
entretient autant avec lui-même qu’avec les momies, comme si celles-ci avaient
en retour quelque chose à lui murmurer, quelque chose qu’il essayerait de
saisir, Francesco Rosi tend aux Italiens un miroir cauchemardesque de leur
actualité politique. Depuis L’affaire Mattei (1972) et Lucky Luciano
(1973), nous savons que son cinéma est hanté par toutes les tensions
contemporaines qui gangrènent l’Italie des années de plomb (1969-1980). De
l’instabilité politique endémique aux
projets d’alliance entre les deux partis dominants mais ennemis, la Démocratie chrétienne et le
Parti communiste, en passant par les liens occultes de l’État italien avec la Mafia,
les multiples attentats, la corruption de certaines institutions comme la
police ou le renseignement et les affrontements entre une extrême droite
toujours attirée par les oripeaux du fascisme, face à une extrême gauche prête
à faire la révolution, tous ces rapports de force délétères nourrissent un chaos
et une paranoïa que Rosi saura traduire en images : le réalisateur italien
reste profondément convaincu que le pouvoir, quel qu’il soit, finit toujours
par être submergé par une hubris effrénée, un pouvoir d’autant plus dangereux,
dit-il tout au long de Cadavres exquis, qu’il avance masqué. Si les
momies traduisent une certaine forme d’immortalité en limitant la décomposition
des corps, le pourrissement a, en revanche, déjà bel et bien contaminé le corps
social et politique italien, pris dans un vortex dont les spirales ne cessent
de s’accélérer. Sont-ce cet écheveau d’intrigues, de violence, de cynisme et
cette connivence entre pouvoir légal et pouvoir illégal que le procureur Varga
a touchés du doigt après
avoir compris qu’« un
pouvoir d’essence réactionnaire et totalitaire ne fonctionne pas en prenant
appui sur des institutions démocratiques, mais en se servant de forces
parallèles qui peuvent se dissimuler derrière des organismes officiels tels que
la police, l’armée, les services secrets[2] » ? La suite du film le
confirmera. Ce questionnement sur les dérives du pouvoir, obsessionnel chez
Rosi, rappelle, à la même époque, les fictions mises en scène par les cinéastes
du Nouvel Hollywood comme David Miller (Executive Action, 1973), Alan J.
Pakula (The Parallax View, 1974), Francis Ford Coppola (The
Conversation, 1974) ou Sydney Pollack (Three days of the Condor,
1975) ou encore celles, en France, de Costa-Gavras (Z et État de
siège, 1968 et 1972) ou d’Yves Boisset (L’attentat et Le juge
Fayard dit « le Shériff », 1972 et 1976). Toutes
témoignent d’une menace diffuse face à des forces secrètes qui manipulent et
dévoient la démocratie.
Alors
que Varga s’éloigne, et qu’une version orchestrale de la Marche funèbre de Chopin, en son-off en sourdine, accompagne
depuis quelques minutes ses pas, tous les signes concrets de la mort sont là.
Et nous pressentons, à cet instant, qu’il n’a plus que quelques instants à
vivre.
lundi 25 mars 2024
La démocratie menacée chez Raoul Walsh
Le générique de A
lion is in the Street (Raoul Walsh, 1953) ne s’embarrasse pas de
circonvolutions narratives. Avec ce lion assiégeant littéralement la statue
d’Abraham Lincoln, posant à plusieurs reprises ses pattes avant sur le socle du
monument, et cherchant par tous les moyens à escalader cette immense marche de
marbre, le réalisateur nous dit dès l’entame du film que la démocratie, matérialisée
par ce Président, symbole des droits civiques et émancipateur des Noirs
américains, est menacée. Par qui ? Par Hank Martin (James Cagney), un
colporteur ambulant, un trublion, un bonimenteur, un homme aussi démagogue que
sans scrupules, qui décide un beau jour, voyant l’impact que ses discours ont
sur le public, de se lancer en politique. Avec un succès certain, puisqu’aux
élections au poste de gouverneur d’un État du Sud profond (sans plus de
précision dans le scénario), il arrive, en ayant préalablement truqué les
élections avec l’aide d’un complice mafieux, ex-aequo avec à son adversaire. Fermement
décidé à prendre le pouvoir, au besoin par la contrainte, il mobilise ses
électeurs pour marcher sur le Capitole dudit État. Cela vous rappelle-t- il
quelque chose ? Et bien, vous avez raison.
Mais reprenons tout
d’abord le générique. Omniprésente dans le cinéma américain, la statue
d’Abraham Lincoln renvoie à la célébration des principes démocratiques qui
organisent la vie politique des États-Unis. En effet, sur le mur sud du temple
- que nous ne voyons pas mais qui est dans tous les esprits - est gravé le
discours que Lincoln a prononcé lors de la dédicace du cimetière de Gettysburg
le 19 novembre 1863 et dans laquelle est définie la démocratie
américaine : « Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple
». Débutée en 1914, cette construction monumentale, située à Washington, tout
en marbre, de six mètres de haut et autant de large, à l’intérieur d’un temple
dorique, le Lincoln Memorial, sera inaugurée en 1922. Si la durée du chantier a
été aussi longue, c’est essentiellement en raison de la très mauvaise volonté
des États du Sud voyant d’un mauvais œil la commémoration d’un homme qui avait
détruit leur conception très particulière des relations humaines et sociales[1]. Au-dessus de la tête de
la statue, on entrevoit la fin de l’inscription elle aussi sculptée à même le
mur : « In this temple, as in the hearts of the people for whom he
saved the Union, the memory of Abraham Lincoln is enshrined forever[2]. Devant ce plan, et en
totale contradiction avec celui-ci, le cinéphile averti pense, bien entendu
immédiatement, au jeune sénateur Jefferson Smith (James Stewart dans Monsieur
Smith au Sénat/M. Smith goes to Washington, Frank Capra, 1939), un
homme doté de principes et de convictions démocratiques inébranlables, en train
de se recueillir devant la statue du grand homme.
Le lion est en fait
triple. Hank Martin, dans un premier temps, est le double de Huey Pierce Long, un
populiste élu gouverneur de la Louisiane en 1928, puis sénateur du même État en
1932, certes sincèrement attaché à améliorer les conditions de vie des plus
pauvres, n’hésitant pas à affronter les magnats pétroliers, mais qui finit par
être submergé par son hubris en exerçant son pouvoir de manière de plus
en plus autoritaire, notamment en créant un comité chargé de censurer la presse
qui lui était hostile. Il finit par être assassiné en 1935 par l’un des
nombreux ennemis qu’il s’était fait au cours de sa carrière politique. Dans Les
Fous du roi (All the King’s men, 1949), Robert Rossen se servira de
lui pour faire de son personnage, Willie Stark (Broderick Crawford), un politicien
dont la rhétorique incendiaire se confondait avec la volonté populaire[3]. Dans un deuxième temps, en
1953, Hank Martin fait encore davantage écho à un autre démagogue, beaucoup plus
perverti, cynique et dangereux : le sénateur Joseph McCarthy. Au moment où
sort sur les écrans A lion is in the Street, cela fait trois ans, et
ironiquement depuis le Lincoln Day (12 février 1950)[4], qu’en nouveau Torquemada,
celui-ci exploite la peur du communisme en foulant aux pieds les libertés
individuelles et en retournant les États-Unis contre eux-mêmes. En pleine
Guerre froide, des enquêtes pour dénoncer les présumés communistes sont lancées
par la Huac[5]
ou le Sénat dans le milieu du cinéma, mais aussi au sein de l’école, de
l’Université, des syndicats ou de la presse. Dans le collimateur de Raoul Walsh
et d’un James Cagney très investi dans le projet - sans parler de son frère
William à la production - mais aussi du studio Warner, très préoccupé à cette
époque, par les questions politique et sociale, McCarthy, avec son mépris des
libertés individuelles et des droits civiques, son intolérance idéologique et
ses campagnes de diffamation a, en toute (mauvaise) conscience, vidé de sa
substance le premier amendement[6] de la Constitution des
États-Unis. Enfin, dans un troisième temps, et de manière vertigineusement
prémonitoire, Hank Martin préfigure celui qui place la déstabilisation des
institutions, la démagogie et le mensonge au pinacle : Donald Trump. Si dans
la fiction le premier est stoppé alors qu’il incite la foule à se lancer à
l’assaut du Capitole, le second, dans un réel nettement plus angoissant, va
prolonger son action, le 6 janvier 2021, en faisant entrer ses partisans
dans un autre Capitole, celui de Washington, pour invalider le processus
électoral destiné à officialiser la victoire de son adversaire démocrate, Joe
Biden.
Ce coup d’État avorté a
bien confirmé que la dérive autoritaire a toujours été présente dans l’histoire
des États-Unis. Que l’on s’appelle Huey Long, Joseph McCarthy, voire George
Wallace en Alabama[7],
tous peuvent être considérés comme les précurseurs d’un Donald Trump, plus que
jamais déterminé à installer une « trumpocratie [8]» dans laquelle les règles
démocratiques seraient soumises à ses pulsions sectaires et complotistes. Que
ce dernier, dans cette liste de démagogues, se taille la part du lion en créant
les conditions d’un véritable cauchemar orwellien est une donnée, mais que tous
soient suivis et légitimés par des millions d’individus convaincus que la force
est préférable au droit et que la démocratie est le pire des régimes, non pas à
l’exclusion, mais à l’inclusion de tous les autres, ne laisse pas d’interroger.
« Honest Abe[9],
réveille-toi, ils sont devenus fous [10]!
» Et le cinéma l’a toujours bien compris. De Gabriel over the White
House (Gregory La Cava, 1933) dans lequel le Président Hammond (John
Huston) dissout le Congrès pour installer un régime dictatorial, au chaos
organisé par un terrorisme
d’extrême-droite dans Arlington Road (Mark Pellington, 1999) en passant
par A Lion is in the Street ou Sept Jours en mai (Seven Days in
May, John Frankenheimer, 1964) mettant en scène une tentative de coup
d’État fomenté par l’armée américaine, ces films montrent - même s’ils sont
rares - que la dérive fasciste n’est pas impossible ici [11].
[1]
Jacques Portes dans Histoire et cinéma aux États-Unis, La Documentation
photographique n 8028, la Documentation française, août 2002, p.42-43
[2] « Dans ce temple, comme dans le cœur du peuple pour qui il sauva
l’Union, la mémoire d’Abraham Lincoln est préservée à jamais ».
[3]
Steven Zaillian en fera un remake en 2006 sous le même titre avec Sean Penn
dans le rôle de Willie Stark
[4]
Célébration annuelle au cours de laquelle les Républicains organisent une
collecte de fonds pour le parti.,
[5] House Un-American Activities
Committee. Il s’agit d’un comité de la Chambre des Représentants
des États-Unis chargé de délivrer des assignations à comparaître pour tous ceux
qui étaient soupçonnés d’être communistes ou simplement progressistes, donc
forcément de gauche.
[6] « Le
Congrès de fera aucune loi qui touche l’établissement ou interdise le libre
exercice d’une religion, ni qui restreigne la liberté de parole ou de presse ……».
[7]
Gouverneur républicain de l’Alabama (1963 - 1967, 1971- 1979), farouchement
hostile à la déségrégation et directement responsable de la répression des
marches de Selma à Montgomery en 1965.
[8]
Pour reprendre le titre du livre de David Frum, Trumpocracy, the Corruption
of the American Republic. Harper Editions, 2018.
[9]
Surnom donné à Abraham Lincoln.
[10]
Pour paraphraser la citation, Lénine, réveille-toi, ils sont devenus fous !
que l’on a vu peinte sur les murs de Prague au moment de la répression du
Printemps de Prague par les troupes du Pacte de Varsovie en 1968.
[11]
D’après le livre de Sinclair Lewis It Can’t Happen Here publié en 1935 et
qui raconte l’arrivée au pouvoir, aux États-Unis, d’un dictateur s’inspirant
des méthodes d’Hitler. La MGM organisa dans la foulée une préproduction d’un
film qui devait s’en inspirer mais qui sous des pressions diverses, ne verra
jamais le jour.
dimanche 17 mars 2024
L'émancipation chez William Wyler
Dans L'Héritière (The Heiress,
1949), William Wyler met en scène, au début et à la fin du film, deux séquences
parfaitement antinomiques concernant la personnalité de la fille d'un riche
médecin, Catherine Sloper (Olivia de Havilland dans le rôle-titre), alors
qu’elle gravit, dans les deux cas, les marches du même escalier situé dans sa
vaste demeure des beaux quartiers de New York.
Si l’utilisation de la plongée, censée écraser la scène et les
personnages qui s’y trouvent, s’avère cohérente dans le photogramme 1, elle
trouve néanmoins sa contradiction dans le photogramme 2.
En effet, dans le photogramme 1, la mine défaite,
le regard perdu dans le vide et toute de noir vêtue, Catherine monte d’un pas
chancelant à l’étage, un sac dans une main, une valise dans l’autre. Elle vient
de réaliser qu’elle a été dupée par Morris Townsend (Montgomery Clift), le
soupirant désargenté qui lui faisait la cour depuis des mois, en espérant l’épouser
pour récupérer sa dot. Naïve et romantique, elle s’était tenue prête à s’enfuir
avec lui, nuitamment et clandestinement, à conquérir le monde et à s’affirmer
enfin en tant que femme indépendante, loin de son père, le Dr Austin Sloper
(Ralph Richardson), un être acariâtre, apitoyé sur son sort parce
qu’inconsolable depuis la mort de sa femme, n’ayant jamais de mots assez durs
pour dénigrer sa fille, jugée timide, sans esprit et sans charme, indigne
d’évoluer au sein de la bonne bourgeoisie new-yorkaise. Catherine est l’anti-Regina
Hubbard Giddens (Bette Davis dans La Vipère (Little Foxes, du
même William Wyler, 1941), une prédatrice, froide et calculatrice, embrassant
ses semblables pour mieux les étouffer. Rien de tout cela chez l’héritière,
qui avait annoncé imprudemment à Morris qu’elle renonçait à son héritage pour le
suivre librement. Mais celui-ci ne s’est pas présenté au rendez-vous fixé. Privée
de sa dignité et de son honneur, meurtrie jusqu’au plus profond d’elle-même, elle
porte déjà le deuil de ses espérances trahies. À l’instar du jour encore
incertain à l’extérieur, le vestibule est plongé dans une semi-obscurité qui
rend encore plus dramatique l’amertume et la douleur de Catherine.
Dans le photogramme 2, qui est aussi le dernier plan du film, Catherine se retrouve à la même place, mais totalement métamorphosée. La mort de son père a fait d’elle une femme riche, mais toujours célibataire. Vêtue d’une robe blanche dont l’éclat souligne son nouveau statut social, elle est désormais habitée par une détermination et des certitudes sans failles. Son visage n’exprime plus la douceur qui le caractérisait autrefois, mais un aplomb et une rage intérieure triomphants. Quelques instants plus tôt, sa domestique venait de lui annoncer que Morris, de retour de Californie, se trouvait devant l’entrée de la maison pour renouer avec elle. Restant sourde aux coups que l’homme assène de plus en plus frénétiquement contre la porte, Catherine, drapée dans une orgueilleuse solitude, monte à l’étage pour savourer une vengeance qui tient plus de l’affirmation de soi que de la sanction qu’elle inflige à son prétendant. La lumière dégagée par la lampe à pétrole qu’elle porte de la main droite, offre un repère rassurant, d’autant plus que derrière elle, le vestibule est plongé cette fois-ci dans d’épaisses ténèbres. Comme si elle laissait derrière elle un passé de soumission et d’oppression…. Comme une renaissance.
mardi 12 mars 2024
Le cri chez Roberto Rossellini
Ce
plan de Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini (1945) est
particulièrement célèbre et résume, à lui seul, le propos du cinéaste :
mettre à nu la tragédie que vivent, en 1944, les résistants italiens dans une
Rome encore occupée par les Allemands. Une femme, Pina (Anna Magnani), tente,
avec l’énergie du désespoir, de rejoindre son fiancé Francesco (Francesco
Grandjacquet), pris dans une rafle et embarqué, comme des dizaines d’autres
hommes, dans des camions. Alors que ces derniers viennent de démarrer vers une
destination inconnue, Pina, dans une course aussi vaine qu’éperdue, hurle sa
douleur, avant d’être fauchée par une rafale de mitraillette. Cette ultime
tragédie, cette scène bouleversante, d’un lyrisme débridé, n’aura duré que
quelques secondes.
La
caméra est située légèrement en hauteur comme si elle était à l’arrière du
camion. Le plan est subjectif puisque nous voyons ce que Francesco voit. Alors
que Pina court vers lui (et donc vers nous), le corps déséquilibré de la jeune
femme confère à la scène un sentiment de vacillement, de vertige, que la
position de la voiture derrière elle, penchée vers la gauche, ne fait
qu’accentuer. Aussi déterminée que courageuse, prête à tout pour sauver l’homme
qu’elle aime, elle a ce langage corporel, au bord de la rupture, incontrôlable,
entre implosion et explosion, qui témoigne autant d’une déchirure intérieure
que d’une rage implacable. L’image a cette vérité paroxystique de l’instant :
Pina hurle, avec une intensité viscérale, son désir de retenir le temps, d’empêcher
l’inéluctable, d’abolir la distance qui la sépare de Francesco, au mépris des
soldats allemands, qui à cette seconde précise n’ont pas encore réagi. Son bras
droit levé, et la paume de sa main orientée vers le ciel comme une
supplication, témoignent du sentiment d’urgence qui l’habite. Au cours de cette
fulgurance, jamais elle ne doute d’elle-même. Peut-être est-elle inconsciente
du danger qu’elle court, mais qu’importe, seule compte sa volonté d’exorciser
la panique mortifère qui la traverse, en parfaite résonance avec la coda funeste
qui s’annonce. Après que son corps, criblé de balles, se soit effondré sur le
bitume lépreux de cette rue, Pina acquiert instantanément - dans l’esprit du
très catholique Roberto Rossellini - la stature d’une martyre.
Les
conditions de tournage du film sont connues. La guerre n’est pas encore
terminée et, si les Allemands ne sont plus à Rome à ce moment-là, les combats
se poursuivent dans le nord de l’Italie. Pour cette séquence, Rossellini s’est
inspiré directement de la mort de Teresa Gullace, assassinée par les Allemands
dans les mêmes conditions le 3 mars 1944, comme Sergueï Eisenstein a pu
reconstituer la mutinerie du Potemkine de 1905 dans Le Cuirassé
Potemkine (1925). Le film est présenté au public italien en 1945 et
deviendra instantanément le manifeste du néoréalisme italien. Rossellini manque
de tout : rareté de la pellicule et du matériel, pénurie d’électricité,
studios de Cinecittà peu ou pas accessibles. Le tournage se déroule donc dans
les rues de Rome, sur les lieux mêmes de l’action, entre documentaire et
fiction, entre écriture et improvisation, mais toujours avec cette volonté de
se confronter au réel, de saisir le quotidien des Italiens au moment de la
Libération, à l’opposé des mensonges et de la censure que le fascisme
mussolinien a su imposer pendant vingt-trois années. Déjà reconnue dans son
pays, Anna Magnani deviendra, grâce à Rome, ville ouverte, une icône
internationale.
mercredi 28 février 2024
La métaphore chez Damiano Damiani
La première métaphorise de
manière vitriolée l’impérialisme américain dans la vie politique et économique des
pays d’Amérique latine, considérée par les États-Unis depuis la doctrine Monroe[4]
comme une chasse gardée, une arrière-cour réservée à leurs intérêts
géostratégiques. Par son geste, « Niño » apparaît alors comme le
vecteur de cette ingérence, comme l’excroissance d’une Amérique manipulatrice
qui n’a jamais cessé de déstabiliser les gouvernements dont l’existence n’avait
pas l’heur de plaire aux occupants de la Maison-Blanche. Le point de vue de
Damiani, violemment anticolonialiste, renvoie ici directement à la mémoire de
toutes les manœuvres états-uniennes,
passées, présentes et à venir (et pas seulement en Amérique latine puisqu’au
moment du tournage, la guerre du Vietnam fait déjà rage). Du coup d’état
organisé par la CIA au Guatemala qui renversa en 1954 le gouvernement
démocratiquement élu de Jacobo Árbenz, à l’occupation par l’armée américaine,
d’avril 1965 à septembre 1966, de la République dominicaine, en passant par le putsch militaire au Brésil en 1964,
appuyé et encouragé par l’ambassadeur américain en poste à Brasilia, la liste
des incursions des États-Unis en Amérique latine est aussi longue que l’histoire
de ce pays. L’exécution de Che Guevara, en octobre 1967 par l’armée bolivienne
entraînée et guidée par cette même CIA donnera encore plus d’acuité au point de
vue de Damiani.
La deuxième lecture anticipe de
manière extraordinairement prémonitoire les « années de plomb » qui
vont déchirer la société italienne, entre les attentats de la Piazza Fontana en
1969 et de la gare de Bologne en 1980. Nous
voilà donc déplacés d’un univers (la révolution mexicaine au début du 20e
siècle et l’impérialisme américain) vers un autre (l’Italie qui danse en 1966
au bord d’un volcan et qui, trois ans plus tard, va basculer dans la violence
politique). Dans un pays qui n’a jamais véritablement soldé son passé fasciste,
les attentats, les assassinats et les enlèvements perpétrés contre l’État
italien, aussi bien par le terrorisme d’extrême gauche que celui d’extrême droite, sans compter le rôle trouble joué par
certaines puissances étrangères comme les États-Unis[5],
vont rétrospectivement résonner comme un écho aux sous-textes d’El Chuncho :
l’anti-impérialisme, le recours à la lutte armée en tant qu’expression d’un rapport de force politique,
l’inégalité des classes sociales et la dénonciation du capitalisme, la
corruption des élites et de l’État. Nul doute que Damiano Damiani, comme le
scénariste Franco Solinas[6]
et Gian Maria Volonté, tous trois très liés au Parti communiste italien, sans
oublier Lou Castel, un militant d’extrême gauche d’origine suédoise, expulsé
d’Italie par ailleurs en 1972 – il trouve avec Bill Tate un délicieux
contre-emploi – avaient à cœur de transposer leur vision du monde dans le
contexte de la révolution mexicaine.
Mais à cet instant du film, « Niño », dans « la position du tireur couché[7] »,
est loin de méditer sur le sens de la vie et les enjeux de la révolution, mais
plutôt sur le milliardième de seconde qui va l’amener, froidement, à appuyer
sur la gâchette. Dans cette parcelle réduite du temps, alors que son regard porte
aussi loin que cette terrasse ouverte aux yeux de tous, il n’a aucun doute sur
la précision de son tir, puisqu’il l’a déjà accompli autant de fois que ses
services ont été sollicités. Parce que son métier est de tuer pour servir les
turpitudes des puissants – avec un fétichisme macabre : il utilise pour
signer ses forfaits des balles en or –, il a manifestement « quelque chose
à voir avec la mort[8] »,
celle de ses cibles bien entendu, mais aussi et surtout la sienne. Dans son amoralité
vertigineuse confinant à un vide existentiel, « Niño » n’existe que
par ce qu’il fait subir aux autres, pour évoluer, sans autre repère que le
prochain contrat à exécuter, au milieu des décombres de son inhumanité. Ce
nihilisme si prégnant dans le western made in Cinecittà révèle chez ses
auteurs (les trois Sergio – Leone, Corbucci et Sollima –, Enzo G.
Castellari et évidemment Damiano Damiani, pour ne citer que les plus
emblématiques) une fascination pour l’effondrement du monde se sublimant dans la
misanthropie et la violence.
[1] Le
film de Damiani porte trois titres : Quién
sabe? (titre original), El
Chuncho et A Bullet for the General.
[2]
Giuseppe Borsalino, un chapelier italien, a créé
en 1857 le chapeau qui porte son nom – cela ne
s’invente pas !
[3]
Jaime Fernández ressemble à s’y méprendre à Emiliano Zapata, un des principaux
acteurs de la révolution mexicaine, assassiné en avril 1919 par des troupes
gouvernementales.
[4]
Le 2 décembre 1823, le président James Monroe affirme le droit exclusif des États-Unis
à développer à leur profit les Caraïbes et toute l’Amérique latine. Les
Européens sont du même coup sommés de se retirer des affaires des Amériques.
[5]
Le réseau clandestin Gladio, formé de
combattants chargés de lutter contre une éventuelle invasion de l’Europe de
l’Ouest par l’URSS ou une prise du pouvoir par le Parti communiste italien, a
été créé sous le contrôle de la CIA et du Pentagone au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale.
[6]
Franco Solinas a écrit pour
Gillo Pontecorvo (Kapò, 1960 ; La bataille d’Alger, 1966 ; Queimada, 1969), Francesco Rosi (Salvatore
Giuliano, 1962) et Joseph Losey (L’assassinat de Trotsky, 1972 ; Monsieur Klein,
1976).
[7]
Pour reprendre le titre d’un célèbre roman de Jean-Patrick Manchette
(Gallimard, 1981) qui raconte l’itinéraire d’un tueur à gages, Martin Terrier.
[8]
Partie du dialogue que dit Cheyenne (Jason Robards) à Jill (Claudia Cardinale)
à propos d’Harmonica (Charles Bronson) dans Once Upon a Time in the West
(Sergio Leone, 1968).
vendredi 26 janvier 2024
La fiction et le réel chez Margarethe von Trotta
1961,
Jérusalem. Dans la salle d’audience du tribunal de la Maison du peuple, la
caméra vient d’entamer un travelling avant très lent en longeant sur sa droite
une cabine en verre dans laquelle nous voyons fugitivement, de dos, un homme
face à un micro, avec des écouteurs sur les oreilles et quasiment poussé hors
du cadre. La caméra poursuit son déplacement pour laisser le prévenu hors champ et donner toute leur place aux quatre
procureurs et au public particulièrement attentif aux débats qui viennent de
commencer. L’homme qui aimante tous les regards n’est autre qu’Adolf Eichmann,
l’ancien lieutenant-colonel SS, le rédacteur du procès-verbal de la conférence
de Wannsee[1],
le principal organisateur de la « Solution
finale » de 1941 à 1945, enlevé un an
auparavant par le Mossad en Argentine : c’est là que l’ancien responsable
nazi avait trouvé refuge en 1948. Cette vision fugitive d’Eichmann incarné par
un acteur sera la seule et unique du film de Margarethe von Trotta, Hannah
Arendt (2012). Par la suite, Adolf Eichmann ne sera montré qu’à partir
d’images documentaires en
noir et blanc enregistrées au cours du procès et montées en champs-contrechamps
avec Hannah Arendt (Barbara Sukowa), le plus souvent repliée dans une salle du
sous-sol qui permettait aux journalistes de suivre le procès, par écrans de
télévision interposés. Cette intertextualité, entre fiction et réel, aussi
originale qu’inattendue et répétée à plusieurs reprises dans le premier tiers
du film, permet de nous immerger dans la pensée complexe de Hannah Arendt.
Pourtant ce plan nous dit d’abord autre chose.
En
premier lieu, la réalisatrice expédie la mise en scène du procès en deux plans
exactement – le premier est celui qui sert de support à cette chronique, et le
second le prolonge après une coupe permettant de saisir Hannah Arendt en gros plan assise au
milieu du public – et refuse donc de récréer Eichmann, de lui donner une
seconde vie, de lui prêter les traits d’un acteur comme John Carradine a pu
incarner Reinhard Heydrich (Hitler’s Madman,
Douglas Sirk, 1943), Gregory Peck Joseph Mengele
(The Boys from Brazil, Franklin J. Schaffner, 1978), Bruno Ganz Adolf
Hitler (La chute, Oliver Hirschbiegel,
2004) ou encore Christian Friedel Rudolf Höss[2]
(The Zone of Interest, 2023) . À la question « pourquoi n’avez-vous
pas pris d’acteur ? » Margarethe von Trotta répond en 2013[3]:
« Thomas Kretschmann[4]
avait déjà joué, dans un téléfilm en 2007[5],
un Eichmann, très bon, très précis. Mais on ne voit ni la médiocrité de ce
bureaucrate de l’Holocauste, ni sa banalité qui préoccupait tant Hannah Arendt. » Craignait-elle de ne pas fidèlement restituer
la personnalité d’Eichmann, de brouiller le réel derrière le jeu d’un acteur
qui aurait puisé dans un abondant répertoire pour jouer un tel personnage et
contribuer ainsi à créer une proximité entre le personnage et les
spectateurs ? « La chute montre Hitler dans ses derniers
jours, avec les méchants Russes à l’extérieur et le vieil homme solitaire à
l’intérieur. Je ne veux pas avoir de pitié pour Hitler[6]. » Cohérente dans son propos, Margarethe von
Trotta refuse donc logiquement toute pitié pour Eichmann et contourne cet enjeu
visuel et mémoriel en choisissant de ne le montrer que de dos. Avec ce plan, ce
qui lui importe manifestement est de mettre en scène une séquence distanciée
pour mieux confronter le spectateur au vrai visage du criminel de guerre grâce
aux images d’archives. Ce faisant, elle démontre que le meilleur accusateur
contre Eichmann, c’est encore Eichmann lui-même puisque celui-ci avait reconnu
les crimes dont on l’accusait tout en se réfugiant derrière l’obéissance aux
ordres. Ce plan dit donc, en creux, le rapport que Margarethe von Trotta
entretient avec la représentation du nazisme à l’écran en général, et avec un
de ses représentants en particulier.
À
l’instar de la réalisatrice, les cinéastes de cette génération, comme Rainer
Werner Fassbinder, Volker Schlöndorff, Werner Herzog, Wim Wenders ou encore
Peter Fleischmann, pour ne citer que les plus connus, tous nés entre 1937 et
1945, ont grandi dans l’ombre du désastre, dans une Allemagne amnésique de sa
propre histoire. Leurs œuvres, traversées par une tension que nourrit une
critique violente de la société d’abondance de la République fédérale, leur
permettront, particulièrement entre 1962 et 1982, de critiquer la manière dont
leur pays gère le passé national-socialiste. Peter Fleischmann dans
Scènes de chasse en Bavière (1969) aborde le traumatisme métaphoriquement
en montrant l’intolérance et le rejet d’un homosexuel de la part de la
population d’un petit village, comme Werner Herzog le fait dans Aguirre, la
colère de Dieu (1972) dans lequel le conquistador Aguirre est un illuminé
tout autant obsédé par la pureté de la race qu’avide de pouvoir, de conquête et
de destruction. Volker Schlöndorff dans Le tambour
(1979) ou Rainer W. Fassbinder dans Le secret
de Veronika Voss (1982) se pensent en
inadéquation avec la société qui les entoure et n’auront de cesse de fustiger
la veulerie et le suivisme de la génération de leurs parents, aussi coupables
que les maîtres du IIIe Reich. Encore
plus frontalement, Margarethe von Trotta dans Les années de plomb (1981)
filme des élèves en train de regarder Nuit et brouillard (Alain Resnais,
1956) – déjà des images d’archives –, ou dans Rosenstrasse (2003), des
femmes protestant, en 1943, contre l’arrestation de leurs maris juifs. Toujours
est-il qu’ils ont les plus grandes difficultés, au contraire de la nouvelle
génération de cinéastes – les petits-fils : Oliver Hirschbiegel, Marc
Rothemund, Christoph Schlingensief, Joachim Lang[7],
Lars Kraume –, à personnifier les principaux
hiérarques nazis et encore plus, au nom d’une
éthique qui n’est pas sans rappeler le point de vue de Jacques Rivette
dénonçant en 1961 l’esthétisation du travelling de Gillo Pontecorvo dans Kapo
(1960)[8],
à faire d’un camp de concentration un décor de cinéma[9].
Avec
cette séquence, Margarethe von Trotta nous introduit dans un espace dont nous
ne verrons jamais la globalité, mais seulement des endroits précis : la
cage en verre, l’accusé, la place des procureurs et celle du public, comme pour
nous empêcher de nous immerger totalement dans la fiction et mieux nous
préparer à affronter les images de 1961, des images montrant un homme qui,
derrière ses lunettes, fait tout pour apparaître le plus insignifiant possible,
le plus besogneux et le plus ordinaire, vertigineux décalage entre la
« banalité du mal[10] »
et l’ampleur des crimes perpétrés. En mettant en scène la question de l’inhumain
en chaque être humain, clef de voûte de la
pensée de Hannah Arendt, Margarethe von Trotta continue de questionner – à 70
ans à l’époque du film – le passé nazi et la banale obéissance des individus.
[1]
Le 20 janvier 1942, à Wannsee, dans la banlieue de Berlin, quinze hauts
fonctionnaires du parti nazi, sous la direction de Reinhard Heydrich, se
réunissent dans une villa pour organiser la déportation et l’extermination des
Juifs européens.
[2]
Commandant du camp d’Auschwitz-Birkenau de 1940 à 1943.
[3]
Dans un article en ligne du Tagesspiegel, « Die
Kunst, das Denken zu spielen », entretien de Christiane Peitz avec
Margarethe von Trotta et Barbara Sukowa, 8 janvier 2013.
[4]
Acteur allemand que l’on retrouve dans de nombreux rôles de soldats allemands
ou d’officiers nazis comme dans Stalingrad (Joseph Vilsmaier, 1993), U-571 (Jonathan Mostow, 2000), The Pianist
(Roman Polanski, 2002), La chute, Valkyrie (Bryan Singer, 2009) …
[5]
Margarethe von Trotta fait allusion au film britannico-hongrois de Robert
Young, Eichmann (2007).
[6] Op. cit.
[7]
On attend avec impatience son dernier film, Führer und Verführer (2024),
qui dénonce la manipulation des masses orchestrée par Hitler et Goebbels.
[8]
Dans
un article resté célèbre des Cahiers du cinéma (n° 120, juin 1961, p.54-55), Jacques Rivette avait violemment attaqué
Pontecorvo en lui reprochant d’avoir utilisé un travelling pour cadrer une
déportée qui venait de se jeter sur les barbelés électrifiés d’un camp de
concentration.
[9] De cette
génération, Volker Schlöndorff finira par ouvrir une brèche avec Le neuvième jour (2004) dans lequel un prêtre est
déporté à Dachau. Ce prêtre est interprété par Ulrich Matthes alors que
celui-ci avait déjà joué Goebbels dans La chute !
[10] Hannah Arendt, Eichmann à
Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, Paris,
Gallimard, 1997 [1963]