samedi 25 septembre 2021

Le jeu de la séduction chez Howard Hawks

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Howard Hawks est passé maître dans le jeu de la séduction entre un homme et une femme. Que ce soit entre Harry et Marie (Humphrey Bogart et Lauren Bacall dans Le Port de l'angoisse/To Have and Have Not, 1946), ou Chance et Feathers (John Wayne et Angie Dickinson dans Rio Bravo, 1959) en passant par (voir les photogrammes 1 et 2)  Philip Marlowe et la libraire (Humphrey Bogart et Dorothy Malone dans Le Grand Sommeil/The Big Sleep, 1946), le réalisateur a souvent mis en scène des femmes sûres d'elles-mêmes, émancipées et déterminées, souvent insolentes, à rebours du modèle de l'épouse face à des hommes généralement individualistes, mais qui finissent toujours par succomber au charme de ces dames qui ne se privent pas de prendre les devants. C'est incontestablement le cas pour la libraire (Dorothy Malone donc, dans son cinquième rôle) qui accueille le détective privé Philip Marlowe (Humphrey Bogart), au cours de son enquête sur une sombre affaire de mœurs et de chantage. Bien que purement fortuite par rapport à l'intrigue, la séquence s'avère au final absolument délicieuse, non seulement parce qu'elle donne vie à la richesse des dialogues écrits par William Faulkner, mais surtout parce qu'elle illustre les rapports d'approche et d'ascendant qu'ont, chez Hawks, les femmes sur les hommes. Extraits choisis: « Pouvez-vous me rendre un service » dit Marlowe à la libraire, « Je ne sais pas, cela dépend du service » lui répond-t-elle. Elle: « Vous commencez à m'intriguer, confusément ». Lui: « Je suis un privé sur une affaire. Si j'en demande trop ….. cela ne me semble pas être le cas …. en quelque sorte ». Lui: « J'ai justement une bonne bouteille de whisky dans ma poche, je préférerais m'humecter le gosier ici » (il pleut au-dehors). « On dirait qu'on a fermé pour l'après-midi » dit-elle enfin avec sensualité après avoir fermé la porte de la librairie et rabaissé le store, tout en déshabillant Marlowe du regard. Alors que celui-ci s'emploie à servir un verre, la jeune femme enlève ses lunettes, libère ses cheveux de la barrette qui les retenaient, pour s'offrir littéralement à lui (photogramme 2). Fondu au noir. Remplies de sous-entendus, les phrases à double sens que s'échangent la libraire – dont on ne saura pas le nom – et Marlowe s'apparentent à une joute verbale, un marivaudage tout en tension érotique se déployant en quelques minutes dans cet espace clos. Les deux protagonistes sont apparemment à égalité, mais c'est bien la jeune femme qui mène le jeu en transformant son langage corporel strict et sérieux (lunettes, cheveux attachés, chemisier au col fermé sous un cardigan sans manches) en une capacité à suggérer son désir pour cet homme qui ne demande visiblement que cela. Le regard séducteur qu'elle lance à Marlowe donne la mesure de son tempérament volontariste. Le gobelet tenu par la main de chacun sert de trait d'union pour ce couple bien conscient de la relation à venir, mais sans la promesse d'une histoire à suivre. Ni femme fatale, ni nymphomane, la libraire est, comme l'était Feathers (Rio Bravo), une femme toute en esprit et en répartie, décidée sans être souveraine, affective sans être romantique. Dorothy Malone – alors seulement âgée de vingt-deux ans - donne à ce rôle aussi court qu'inoubliable toute son intelligence et sa grâce annonciatrices des rôles majeurs qu'elle aura plus tard chez Douglas Sirk, Edward Dmytryk, Raoul Walsh ou Robert Aldrich. 




lundi 20 septembre 2021

Les liens familiaux chez Douglas Sirk


Douglas Sirk est né Hans Detlef Sierck en Allemagne, à Hambourg en 1897. Devenu en 1934 réalisateur à l'UFA[1], il choisit, par antinazisme et pour protéger sa seconde femme d'origine juive, de fuir l'Allemagne hitlérienne en 1937 et d'abandonner son fils né d'un premier mariage avec Lydia Brincken, une actrice totalement acquise à l'idéologie nationale-socialiste[2]. Inconsolable, Sirk ne se remettra jamais de la perte de ce fils, enrôlé, apprendra-t-il, dans les Jeunesses hitlériennes puis envoyé sur le front russe où il perdra la vie. Lorsqu'il tourne Le Temps d'aimer et le Temps de mourir (A Time to Love and a Time to Die, 1958), Douglas Sirk réalise probablement son film le plus personnel et son œuvre la plus bouleversante. Ernst Graeber (John Gavin) est en 1944 un soldat allemand sur le front russe. Au cours d'une permission, il retrouve sa maison détruite, ses parents disparus et une Allemagne en train de sombrer sous les coups des bombardements alliés. Dans le quotidien de cette tourmente de fer, de feu et de sang, il va retrouver Elizabeth Kruse (Liselotte Pulver), une amie d'enfance dont il va tomber amoureux et vivre avec elle une passion aussi incandescente qu'éphémère. Se lançant à la recherche de ses parents, Ernst (de dos sur le photogramme) rencontre un lieutenant SS (Klaus Kinski) représentant l'incarnation même du fanatisme et de l'idéologie criminelle du nazisme. L'éclairage oblique visible dans le champ donne à ce dernier une dimension inquiétante et menaçante (le choix de l'acteur est saisissant puisque Klaus Kinski avait été soldat dans la Wehrmacht avant de commencer à incarner dès 1948 des rôles à la personnalité trouble[3]). En digne représentant de la « race des seigneurs » revêtu de l'uniforme dont le col arbore les deux lettres sinistres, il regarde Ernst avec morgue et mépris. À partir de ce plan, quatre lectures qui se nourrissent l'une l'autre peuvent se faire: la première confronte, par l'intermédiaire du simple soldat Ernst, une Allemagne qui prend progressivement conscience de l'aberration de la guerre et des atrocités du régime qu'elle a contribué à porter au pouvoir, à une autre Allemagne, celle du lieutenant SS, ivre de sa supériorité raciale et de sa croyance dans un nationalisme va-t'en-guerre ; la deuxième invite à voir à travers  cet officier, ce qui a dû hanter Douglas Sirk toute sa vie: son fils, Klaus Detlef Sierck – quatorze ans au début de la guerre - était-il devenu ce nazi convaincu ? A-t-il été à ce point perverti par sa mère et par la doxa hitlérienne pour aller mourir à dix-neuf ans sur le front russe[4] ? La troisième, plus troublante et plus bouleversante encore, alliant le fantasme à l'idéalisme, peut tout aussi bien voir dans Ernst, errant à la recherche de ses parents dans une Allemagne en voie de désintégration, ce fils perdu que Douglas Sirk refusait, au lendemain de la guerre, de croire mort. Et enfin la quatrième lecture fait d'Ernst le double du réalisateur revenu en 1948 dans la ville de Berlin, toujours en partie ruinée, pour tenter de recueillir des renseignements sur son fils Klaus. En un seul plan, le réalisateur filme la morale et la conscience face à l'indignité et au déshonneur. Le jugement moral des actes de chacun est un élément fondamental du cinéma sirkien, et le hasard n'y a pas sa place dans la mesure où « toute crise est la résultante d'une transgression dont le coupable devra payer tôt ou tard le tribut[5] ».Totalement désillusionné sur cette Allemagne qu'il ne reconnaît plus, Ernst Graeber sera incapable de se libérer de la culpabilité que représente pour lui le fait de porter cet uniforme. Cette sédimentation dans la caractérisation des personnages n'est qu'un aspect de la richesse narrative, thématique et visuelle de ce sublime film transformé en un requiem pour un paradis perdu. À ce moment-là, Douglas Sirk ne sait pas encore que Le Temps de vivre et le Temps de mourir sera son avant-dernier film. Celui-ci n'en sera que plus emblématique d'une œuvre qui, - pour ne prendre que sa période américaine - de Hitler's Madman (1942) à Mirage de la vie (Imitation of Life, 1959), aura donné au mélodrame hollywoodien ses lettres de noblesse.



[1] Universum Film AG, la société allemande de production et de distribution cinématographique nationalisée par Goebbels en 1937.

[2] Lydia Brincken avait obtenu le droit de lui interdire de voir son fils depuis 1928  pour lui faire payer son second mariage avec Hilde Jary.

[3] Son premier rôle important au cinéma sera le prince Otto, le frère fou et irresponsable de Louis II de Bavière dans Morituri, un film de Helmut Kaütner (1955)

[4] Klaus Detlef Sierck fut un enfant vedette dans de nombreux films de propagande nazie.

[5] Douglas Sirk de Michael Henry, Dossiers du cinéma/Cinéastes III, Casterman 1974, p.173 




mardi 14 septembre 2021

Le pouvoir féminin chez Samuel Fuller

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Les années 50 ont su donner aux femmes une place majeure dans le western que les amoureux du genre ne retrouveront plus dans les décennies suivantes. À l'instar de Denise Darcel dans Convoi de femmes, (Westward the Women, William A. Wellman, 1951), de Marlene Dietrich dans L'Ange des maudits (Rancho Notorious, Fritz Lang, 1952), ou de Joan Crawford dans Johnny Guitar (Johnny guitare, Nicholas Ray, 1954), Barbara Stanwyck va incarner dans Les Furies (The Furies, Anthony Mann, 1950), La Reine de la prairie (Cattle Queen of Montana, Allan Dwan, 1954), Le Souffle de la violence (The Violent Men, Rudolph Maté, 1955) et Quarante tueurs (Forty Guns, Samuel Fuller, 1957), une femme à la personnalité et aux appétences dominatrices nettement marquées. Dans ce dernier film, Jessica Drummond (Barbara Stanwyck donc) est une omnipotente propriétaire terrienne, maniant aussi bien le fouet que le colt, pour régenter d'une poigne de fer la ville de Tombstone et tout le comté de Cochise en Arizona. À la tête d'une horde sauvage de quarante gardes du corps, elle est « une femme qui chevauche, armée d'un fouet, une femme que tous les hommes désirent. Mais aucun homme ne peut la dompter, elle commande et les hommes obéissent, ils ne sont que des pantins dans ses mains[1]». Les deux photogrammes illustrent parfaitement ce rapport de force à l'avantage de Jessica. Dans la salle à manger cossue de son immense propriété, elle est assise au bout de la table, trônant au milieu de ses hommes. Un mouvement de grue combiné à un travelling latéral balaie la scène et ses convives masculins pour mieux matérialiser le pouvoir qu'elle exerce sur eux (photogramme 1). Dans ce cénacle, deux d'entre eux sont néanmoins individualisés en raison de leur proximité avec cette maîtresse femme: à sa droite, le shérif Ned Logan (Dean Jagger), un soupirant éperdument et vainement amoureux d'elle et à sa gauche, son frère Brockie (John Ericson), un être violent et irresponsable, plutôt bas de plafond, mais pour lequel elle témoigne un sentiment trouble. Illuminée par les bougies d'un lustre et celles des chandeliers disséminés sur la table et trois commodes, la tablée est singulièrement silencieuse. Pour ces hommes, la tenue de ville est le code vestimentaire de rigueur au diapason de Jessica qui, comme eux, a laissé au vestiaire Stetson, bottes et colt – mais pas la bouteille de whisky - pour apparaître parée de ses plus beaux atours (photogramme 2). Ses sourcils hauts, arqués et bien dessinés, ses yeux intenses et pénétrants, ses lèvres minces et serrées traduisent bien la froide détermination de celle qui n'envisage pas une seconde qu'un homme puisse lui tenir tête. Un collier tour de cou richement décoré et une robe de soirée noire dégageant les épaules, synonyme d'habit de cour, complètent une attitude hautaine, autoritaire et intimidante. Revêtir la robe ne traduit pas un retour à l'image conventionnelle de la femme dans le western, de l'institutrice à la fille de saloon, mais participe toujours de la même envie d'éblouir, par d'autres moyens, tous les hommes qui gravitent autour d'elle. Que ce soit l'interprétation de Jessica ou celle de Martha Wilkinson dans Le Souffle de la violence, ces rôles de femmes à poigne renvoient inévitablement à celui qu'elle tenait dans Assurance sur la mort (Double Indemnity, Billy Wilder, 1944) ou elle incarnait déjà une femme individualiste et déterminée n'hésitant pas, à l'égard des hommes, à recourir à la manipulation et à la violence. Dans Quarante Tueurs, Samuel Fuller interroge la notion de féminité compatible selon lui avec la notion de puissance dans un genre plutôt virilisé, même si dans le scénario initial, le réalisateur voulait faire mourir Jessica, cette personnalité trop flamboyante pour persister à vivre au milieu de la médiocrité. La volonté des producteurs en décida autrement.



[1] Chanson du film, chantée par Jidge Carroll et écrite par Harold Adamson et Harry Sukman.



samedi 11 septembre 2021

La mémoire chez Robert Redford



Dans L'Homme qui murmurait à l'oreille des chevaux (The Horse Whisperer, Robert Redford, 1998), Grace MacLean (Scarlett Johansson) est victime d'un grave accident de cheval qui la laisse amputée d'une jambe. Son cheval Pilgrim, frappé par un camion, sort également de l'épreuve traumatisé et éperdu de terreur. Pressentant que le sort du cheval est étroitement associé à la santé mentale de Grace murée dans sa douleur et son infirmité, sa mère Annie (Kristin Scott Thomas) décide de les emmener tous les deux, de New-York jusqu'au Montana, pour rencontrer un dresseur de chevaux dans l'espoir d'obtenir une double guérison intérieure. Sur la route qui les mène vers l'Ouest, Annie et sa fille Grace s'arrêtent à l'entrée du Little Big Horn Battlefield National Monument, le parc national montanien consacré à l'affrontement entre l'armée américaine et les Amérindiens qui aboutit, le 25 juin 1876, à l'anéantissement du 7e régiment de cavalerie du Lieutenant-Colonel George A. Custer par les tribus Lakotas et Cheyennes de Sitting Bull et Crazy Horse. Dans ce lieu chargé d'Histoire et de mémoire, un monument funéraire a été érigé en 1881 pour commémorer le souvenir des noms des soldats qui sont tombés ici [1]. Le fracas des armes s'est tu depuis longtemps, mais la mort et tant de fantômes continuent de hanter ce lieu. Alors que le ciel s'obscurcit rapidement, Annie emprunte, seule, un sentier montant vers la colline au sommet de laquelle la ligne d'horizon se confond avec cette stèle et une clôture en fer encadrant les pierres tombales du Custer's Last Stand [2] (photogrammes 1, 2 et 3). La notion de passé se disloque comme une invitation à aller ailleurs, dans un monde d'autrefois, dans un monde où « deux cents soldats avaient été mis en pièces par ceux-là mêmes qu'ils traquaient »[3].  Les nuages, sombres et épais, semblent toucher le sommet des collines environnantes pour donner à ce paysage tranquille s'étendant à perte de vue une infinie mélancolie, propice à la méditation. Annie, emmitouflée dans sa parka beige, s'est arrêtée à quelques pas de la clôture pour regarder l'éparpillement des pierres tombales marquant l'emplacement où chaque soldat a été abattu. Une sensation d'amertume et d'affliction se dégage de la dramaturgie de la séquence. L'exposition des tombes réveille les émotions les plus enfouies d'Annie en précipitant, dans la fraîcheur du soir et la limpidité de l'air, une révélation du passé pour mieux renseigner le présent. Car ce n'est pas le souvenir des guerres indiennes qui accapare l'esprit d'Annie, mais bien sa propre existence perdue entre un mari qu'elle n'aime plus depuis longtemps, une fille qui la rejette et un métier de directrice d'un magazine de mode new-yorkais qui peine à combler la vacuité de sa vie. La rencontre avec Tom Booker la fera passer du vide au plein, de la maîtrise d'elle à l'abandon de soi au milieu des espaces majestueux du Montana.  



[1] En 2003, un mémorial indien honorant les morts Lakotas et Cheyennes est enfin construit à proximité.

[2] « L'ultime résistance de Custer »

[3] L'Homme qui murmurait à l'oreille des chevaux de Nicholas Evans, Albin Michel, 1996, p.167






samedi 4 septembre 2021

L'armée chez Robert Aldrich

 

Attaque (Attack !, 1956) est le deuxième des trois films que Robert Aldrich tourna avec Jack Palance. Après Le Grand Couteau (The Big Knife, 1955) et avant Tout près de Satan (Ten Seconds to Hell, 1959), il réalise son premier film de guerre dont l'action se situe en 1944, pendant l'offensive allemande des Ardennes. Mais le scénario n'eut pas l'heur de plaire au Département de la Défense qui avait l'habitude de prêter sans tergiverser son matériel à Hollywood, pourvu que l'armée soit montrée sous un jour favorable, héroïque et en lutte pour défendre la démocratie. C'est tout le contraire avec Attaque qui dénonce violemment la hiérarchie militaire composée de Clyde Bartlett (Lee Marvin), un lieutenant-colonel carriériste et arriviste et de Erskine Cooney (Eddie Harris), un capitaine lâche, pleutre et foncièrement incompétent. Face à la corruption et l'impéritie de cette chaîne de commandement, deux subalternes, les lieutenants Harold Woodruff (William Smithers) et Joe Costa (Jack Palance), vont exécuter leurs ordres en cherchant la réussite de leur mission tout en faisant le maximum pour limiter les pertes. De retour d'une action ordonnée par le capitaine Cooney et alors que tout son peloton le croyait mort, Costa surgit d'une porte ouverte sur l'enfer (voir le photogramme). Titubant, le regard hagard, en proie à une souffrance indicible, il descend avec difficulté les marches d'un escalier qui mène à une cave dans laquelle Cooney, Woodruff et quelques hommes se sont réfugiés. Tout son corps disloqué témoigne des violents combats auxquels il a dû faire face. Son bras gauche sanguinolent, broyé par les chenilles d'un char allemand, pend inerte le long de son corps. Le mur sur lequel il s'appuie avec difficulté l'empêche de tomber, alors qu'un éclairage oblique obscurcit de manière dramatique le haut de son visage. Tout indique l'imminence de la mort, imminence encore renforcée par l'ombre sinistre que projette Costa derrière lui. Pourtant ses yeux fixes et hallucinés affichent encore l'inflexible volonté de tuer Cooney « non pour se venger mais pour débarrasser son unité d'un funeste imposteur »[1]. Le revolver qu'il tient dans sa main droite doit lui permettre, en rassemblant ses dernières forces, d'exécuter ce dernier objectif. Costa n'est pas en route pour la gloire, ni sur le point de mourir pour la bannière étoilée en héros valeureux prêt au sacrifice ultime comme le sergent Stryker (John Wayne) dans Iwo Jima (Sands of Iwo Jima, Alan Dwan, 1949), mais il meurt en raison de la stupidité et de la couardise d'un supérieur incapable du moindre discernement dans la conduite d'une opération militaire. L'ennemi est donc autant à l'intérieur qu'à l'extérieur d'une armée qui apparaît singulièrement défaillante. Par son geste, Costa ne peut être condamné qu'à l'oubli. « L'oubli ? Celui de la soldatesque anonyme, les « Costa » de tous grades et de toutes armes, victimes de la grande Histoire et des rêves de gloire ou de l'incompétence des petits chefs »[2]. Ce point de vue a, bien évidemment, été très mal reçu dans les États-Unis de Dwight D. Eisenhower - l'ancien commandant en chef des forces américaines en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale – baignant toujours dans le souvenir de la victoire sur le nazisme et peu enclins à voir sur un écran de cinéma l'aberration de la guerre et les turpitudes de ceux qui la conduisent.



[1] Robert Aldrich, Violence et rédemption de William Bourton, PUF, 2011, p.73

[2] Ibid. p.77