vendredi 29 avril 2016

L'assassinat de JFK chez Arthur Penn



Dans La Poursuite impitoyable (The Chase) d’Arthur Penn (1966) « la séquence finale, où l’on voit Robert Redford escorté par le shérif du comté (Marlon Brando) avant d’être tué à bout portant par un autochtone assoiffé de vengeance, cite exactement l’assassinat de Lee Harvey Oswald par Jack Ruby dans les couloirs du commissariat de Dallas» (1). Le film est une plongée infernale dans la lâcheté, la débauche, le racisme, la violence de la population d’une petite ville quelque part au fin fond du Texas. Originaire de cette ville, Bubber Reeves (Robert Redford), incarcéré quelques années plus tôt, s’évade du pénitencier pour être, dans la foulée, accusé d’un meurtre qu’il n’a pas commis, ce qui excite et enflamme toute la population prête à rendre une justice expéditive. Seul le shérif Calder (Marlon Brando, gigantesque !) se dresse contre ce mur de haine pour tenter de soustraire Bubber à l’hystérie collective. Ce dernier s’étant rendu, Calder l’escorte à ce moment vers la prison. Mais c’est sans compter le désir de meurtre d’Archie (Steve Inhat) qui décharge son révolver sur l’infortuné Bubber. Tout ce final est apocalyptique parce qu’il est le point d’orgue d’une extrême violence qui surgit de manière explosive même si Arthur Penn nous a longuement préparé à l’inéluctable. L’assassinat de JFK était passé par là (le président américain  meurt en 1963 sous les balles de Lee Harvey Oswald à Dallas). Les Américains ont l’habitude de considérer que ce meurtre et son corollaire, la mort de Lee Harvey Oswald, tué à bout portant par Jack Ruby, correspondent à un point de non-retour, une fin de l’âge de l’innocence qui annonce les désillusions à venir : la guerre du Vietnam, les assassinats de Martin Luther King et de Robert Kennedy en 1968, soit deux ans après le film, la mort du Peace and Love et le scandale du Watergate. Bubber Reeves est une victime sacrificielle, dépassée par les enjeux que représente son évasion, révélatrice des haines aveugles qui sommeillent en chacun des habitants et qui ne demandent qu’une étincelle pour éclater. Il n’est, pour Arthur Penn, qu’un révélateur social et politique d’une Amérique qui rejette dans les années 60, la modernité et les transformations qui secouent la société étatsunienne. La mort de Bubber laisse les badauds indifférents. Un attroupement se forme autour de son corps ensanglanté mais l’indifférence des uns et le voyeurisme des autres l’emportent sur la compassion : l’homme à droite tient les bretelles de son pantalon, à sa gauche un autre se tient les mains dans les poches,  imité par un troisième, face à la caméra. Bubber meurt en vain puisque la catharsis n’aura pas lieu. Le shérif Calder et sa femme Ruby (Angie Dickinson) choisiront de quitter ce coin répulsif du Texas.

(1) 26 secondes, l’Amérique éclaboussée de Jean-Baptiste Thoret aux Éditions Rouge profond (2003) p. 73


                                        L'assassinat de Lee Harvey Oswald par Jack Ruby en 1963



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