lundi 15 février 2016

Les 8 salopards (Hateful Eight, Quentin Tarantino, 2015)


N’ayant jamais été un partisan inconditionnel du cinéma de Quentin Tarantino, je lui reconnais néanmoins (en toute modestie) une exceptionnelle maîtrise de tout le champ cinématographique; cadrage, photographie, direction des acteurs, rebondissements de l’intrigue, références cinéphiliques ….. J’aime particulièrement la Tarantino touch consistant à filmer de (très) longs tunnels de dialogues innocents (en apparence), où la badinerie côtoie l’insignifiant mais où suinte progressivement une montée de tension qui finit par exploser dans des déferlantes de sang dont la durée est inversement proportionnelle à leur préparation.  Tout cela se trouve dans Hateful Eight. Sept hommes et une  femme se retrouvent dans une auberge, rapidement coincés par une tempête de neige qui fait rage à l’extérieur. Le huis clos est parfait. Tromperies et trahisons vont se succéder tout au long des 3 heures de projection et opposer une brochette d’acteurs tarantinesques comme Samuel L. Jackson, Tim Roth ou encore Michael Madsen. Le réalisateur a expliqué vouloir évoquer les relations entre les Blancs et les Noirs au lendemain de la Guerre de Sécession mais avec en sous-texte évidemment, la situation de ces dites relations aux États-Unis aujourd’hui. Il poursuit donc le sillon creusé depuis son précédent film Django Unchained (2012) dont le thème central était l’esclavage. Mais son propos  reste en surface sans être approfondi. Il y a bien des dialogues percutants, « les Noirs ne sont en sécurité que lorsque les Blancs sont désarmés», mais le tout finit par tourner à vide. L’humour qui était l’autre marque de fabrique de Tarantino et qui lui permettait de contrebalancer l’extrême violence de ses films, est ici curieusement absent (ou presque). Du coup, Inglourious Basterds me semble bien plus  plus fort et convaincant. Et puis surtout, dans ce genre éminemment codé qu’est le western, ce huis clos enneigé avait déjà laissé des traces depuis 1952 avec The Outcasts of Poker Flat de Joseph Newman ou encore depuis 1958 avec Day of the Outlaw de André De Toth (déjà des groupes humains coincés dans des cabanes au milieu de nulle part alors qu’au-dehors souffle la tempête de neige). Ces deux films avaient déjà cassé les codes du genre en refusant les chevauchées, le mouvement, le désert brûlant, les Indiens, la cavalerie, les ciels immenses……… tout en privilégiant un ascétisme visuel, une action statique souvent nocturne (très proche du film noir) mais enrichie par une tension interne, une peur qui envahissait progressivement les personnages dotés de  psychologies particulièrement fouillées. Allez, on aime toujours autant Tarantino, ne serait-ce que pour cet extraordinaire travelling arrière cadrant un Christ en bois à demi-enseveli sous la neige nous faisant progressivement découvrir les collines environnantes du Wyoming.


                                                                    Samuel L. Jackson

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