samedi 20 février 2016

Collaboration/Le pacte entre Hollywood et Hitler de Ben Urwand aux Éditions Bayard (2013)


On le sait, Hitler adorait le cinéma, et particulièrement américain. Le dictateur se faisait projeter régulièrement des films à la Chancellerie du Reich à Berlin ou à son nid d’aigle, le Berghof, sur les hauteurs de Berchtesgaden, dans les Alpes bavaroises. Il adorait particulièrement Laurel et Hardy, Greta Garbo, les dessins animés de Walt Disney, la Mort de Siefried de Fritz Lang (1924) mais par contre, il trouvait Tarzan, The Ape Man (Tarzan, l’homme singe)  de W.S Van Dyke (1932) particulièrement mauvais (pas assez blond peut-être ?), détestait Shangai de James Flood (1935), - je ne sais pas s’il aimait ou non les westerns; dans le doute, osons avancer qu’il ne les aimait pas, cela m’aurait dérangé de partager cette passion avec lui ! - Mais ce qui est sûr et certain, c’est qu’il avait compris la puissance de l’impact de l’image auprès des masses (c’est un autre point qu’il partage avec Lénine, Staline et Mussolini). Il va pour cela confier à Joseph Goebbels la direction de l’industrie cinématographique allemande et faire de Leni Riefenstahl, sa cinéaste officielle. 
Mais quel est le lien avec Hollywood ? Le cœur du livre évoque l’incroyable et injustifiable soumission des producteurs et des studios hollywoodiens (Adolph Zukor pour la Paramount, Louis B.Mayer pour la Metro-Goldwyn-Mayer, Harry Warner pour la Warner Bros., Carl Laemmle pour l’Universal ou encore Harry Cohn pour la Columbia et William Fox pour la Twentieth Century Fox) au diktat d’un consul et plénipotentiaire nazi installé à  Los Angeles, Georg Gyssling. Ce dernier jouait le rôle du censeur qui visionnait tous les films sortis des studios. Il était impossible pour les metteurs en scène et les scénaristes de tourner ou d’écrire sur des sujets qui déplaisaient aux nazis; les juifs, l’oppression des peuples, les arrestations arbitraires, la suppression des libertés, l’injustice ….. Les producteurs s’autocensuraient – pire, supprimaient des scènes déjà tournées  pour plaire aux dirigeants nazis - de peur de perdre le particulièrement juteux marché allemand, le premier débouché cinématographique américain en Europe.
Pour satisfaire le public allemand, Louis B. Mayer ira jusqu’à produire ce film incroyable qu’est Gabriel over the White House de Gregory La Cava (1933) avec Walter Huston dans le rôle du Président des États-Unis qui se transforme en dictateur en dissolvant le Congrès. Ben Urwand nous dit donc  que le premier film fasciste d’importance n’a pas été produit en Allemagne ou en Italie mais bien aux États-Unis ! Le vent commença à tourner tardivement avec des films comme Confessions of a Nazi Spy (Les Aveux d’un Espion nazi) d’Anatole Litvak (1939), The Mortal Storm (La tempête qui tue)  de Frank Borzage (1940) et bien sûr surtout l’immense The Great Dictator (Le Dictateur) de Charlie Chaplin (1940) . Tous ces films - et le début de la guerre - permirent qu’on oublie les relations commerciales entre les studios et l’Allemagne nazie depuis 1933. Bien que très isolationniste, l’opinion publique commençait à être sensibilisée par ce qui se passait en Europe. Mais il a fallu l’entrée en guerre des États-Unis en 1941, pour faire basculer définitivement les studios. Désormais, Hollywood produira  massivement des films patriotiques pour soutenir l’effort de guerre.
L’épilogue du livre de Ben Urwand est particulièrement féroce en ce sens qu’il nous montre, après la fin de la guerre en 1945, une dizaine de producteurs en visite en Allemagne et particulièrement à Dachau. L’invitation émanait du général George Marshall. Celui-ci souhaitait que les studios évoquent les dévastations et les atrocités commises. En fait, seule la récupération du marché allemand intéressait ces nababs.


                    Hitler en visite dans les studios de la UFA à Babelsberg en 1935


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