« Malades, venez à moi, j’imposerai mes mains sur
vous et mes mains vous guériront » ! Dans La
Colline des potences (The Hanging
Tree, Delmer Daves, 1959), Grubb (George C.Scott, délicieusement déjanté),
extatique, déguenillé, mal rasé, une bouteille d’alcool caché sous son manteau,
se lance dans un sermon aussi hallucinant qu’inquiétant. Avec une violence et
une rage à peine contenues, le prédicateur débite ses versets bibliques et menace
les patients du docteur Joseph Frail (Gary Cooper) en leur intimant de quitter
sur le champ la salle d’attente à ciel ouvert de ce camp de chercheurs d’or,
quelque part au Montana. Prétextant être doté de pouvoirs thaumaturgiques, le
charlatan-guérisseur exalté se heurte à la science et à l’expertise de son
concurrent qui ne ménage pas sa peine auprès des plus démunis. Tout à sa
logorrhée faisant office de psychotrope, et attiré par cette fièvre de l’or qui
irradie tout le camp des mineurs, Grubb incarne le fanatisme religieux et ses
dérives sectaires. Capable dans un même élan de citer la parole de Dieu et de
pousser une foule à lyncher Joseph Frail, ce prédicateur, tel un Savonarole aux
petits pieds, veut dominer cette petite communauté en dénonçant ses supposées
corruptions morale et spirituelle. Dans son esprit dérangé et perverti, il
n’hésitera pas à créer son propre Bûcher des Vanités en mettant le feu au camp
qu’il considère comme une nouvelle Gomorrhe. Mais son homélie ne rencontre que
l’indifférence et l’apathie. Filmée en contre-plongée, sa silhouette, revêtue
d’un cache-poussière qui dissimule à peine les loques qu’il porte sur lui,
traduit une position effrayante pour mieux souligner la folie du personnage.
Le prédicateur est une figure récurrente du
western. Il est, la plupart du temps, un personnage doté de caractéristiques assez
éloignées du message d’amour et de compassion que tout messager de l’Église
devrait incarner : qu’ils soient très à l’aise dans le maniement d’une
mitraillette crachant ses rafales comme autant d’absolutions, à l’instar du
prêtre Olivier Van Horn (Robert Mitchum dans La Colère de Dieu, Ralph Nelson, 1972) où le père de famille,
névropathe et sadique, Preacher Quint (Donald Pleasence dans Will Penny, Tom Gries, 1968), nos
saints hommes ont l’âme noire (mais avec un sourire goguenard pour Robert
Mitchum !) et la gâchette facile, brandissant tour à tour la Bible et/ou le
colt. Bénissant les brebis égarées pour mieux les égorger, ils ne représentent
rien d’autre que les deux obsessions américaines indissociables que sont la
religion et les armes à feu.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire