samedi 10 décembre 2016

Le prédicateur chez Delmer Daves


« Malades, venez à moi, j’imposerai mes mains sur vous et mes mains vous guériront » ! Dans La Colline des potences (The Hanging Tree, Delmer Daves, 1959), Grubb (George C.Scott, délicieusement déjanté), extatique, déguenillé, mal rasé, une bouteille d’alcool caché sous son manteau, se lance dans un sermon aussi hallucinant qu’inquiétant. Avec une violence et une rage à peine contenues, le prédicateur débite ses versets bibliques et menace les patients du docteur Joseph Frail (Gary Cooper) en leur intimant de quitter sur le champ la salle d’attente à ciel ouvert de ce camp de chercheurs d’or, quelque part au Montana. Prétextant être doté de pouvoirs thaumaturgiques, le charlatan-guérisseur exalté se heurte à la science et à l’expertise de son concurrent qui ne ménage pas sa peine auprès des plus démunis. Tout à sa logorrhée faisant office de psychotrope, et attiré par cette fièvre de l’or qui irradie tout le camp des mineurs, Grubb incarne le fanatisme religieux et ses dérives sectaires. Capable dans un même élan de citer la parole de Dieu et de pousser une foule à lyncher Joseph Frail, ce prédicateur, tel un Savonarole aux petits pieds, veut dominer cette petite communauté en dénonçant ses supposées corruptions morale et spirituelle. Dans son esprit dérangé et perverti, il n’hésitera pas à créer son propre Bûcher des Vanités en mettant le feu au camp qu’il considère comme une nouvelle Gomorrhe. Mais son homélie ne rencontre que l’indifférence et l’apathie. Filmée en contre-plongée, sa silhouette, revêtue d’un cache-poussière qui dissimule à peine les loques qu’il porte sur lui, traduit une position effrayante pour mieux souligner la folie du personnage.

Le prédicateur est une figure récurrente du western. Il est, la plupart du temps, un personnage doté de caractéristiques assez éloignées du message d’amour et de compassion que tout messager de l’Église devrait incarner : qu’ils soient très à l’aise dans le maniement d’une mitraillette crachant ses rafales comme autant d’absolutions, à l’instar du prêtre Olivier Van Horn (Robert Mitchum dans La Colère de Dieu, Ralph Nelson, 1972) où le père de famille, névropathe et sadique, Preacher Quint (Donald Pleasence dans Will Penny, Tom Gries, 1968), nos saints hommes ont l’âme noire (mais avec un sourire goguenard pour Robert Mitchum !) et la gâchette facile, brandissant tour à tour la Bible et/ou le colt. Bénissant les brebis égarées pour mieux les égorger, ils ne représentent rien d’autre que les deux obsessions américaines indissociables que sont la religion et les armes à feu.


Aucun commentaire:

Publier un commentaire