mardi 6 décembre 2016

La solitude chez Tom Hooper


Dans Le Discours d’un roi (King’s Speech de Tom Hooper/2010), Colin Firth campe, au Royaume-Uni, un extraordinaire prince Albert, duc d’York et deuxième fils du roi George V. Il est sur le point de faire le discours de clôture de l’Exposition coloniale britannique au stade de Wembley en 1925. Mais le bégaiement dont il souffre depuis l’enfance, rend cette tâche aussi insurmontable qu’humiliante. Observé par des milliers d’yeux, celui qui représente la monarchie du pays « sur lequel le soleil ne se couche jamais » ânonne un discours qui se transforme en chemin de croix. En effet, l’épreuve est d’autant plus douloureuse que le duc s’adresse, en même temps, à tous les habitants des colonies britanniques par l’intermédiaire de cet instrument de torture qu’est le micro devant lequel il se tient. La radiodiffusion, nouvelle forme de communication de masse, rend cette tentative de discours politique du prince encore plus préoccupante. Isolé au sommet de sa tribune, l’homme au chapeau haut-de-forme et à la redingote est paralysé par la peur et les mots ne sortent de sa gorge que par intermittence. Tom Hooper a construit son plan et son personnage principal tout en perspective. Cadré en vision frontale et en contre-plongée, le prince Albert est au bout des diagonales qui forment autant de lignes de fuite partant des spectateurs placés en contrebas tout en  prolongeant notre propre regard. De part et d’autre de l’infortuné orateur, d’autres regards prolongent cette fois-ci des horizontales – des lignes d’horizon - qui finissent par l’enfermer dans cette fonction de représentation qu’il ne désire pas. Enfin, le cadre est très précisément coupé en deux parties égales par cette verticale qui sépare deux lignes de spectateurs, rejoignant le même point de fuite précédent, matérialisé cette fois-ci par le micro. Au milieu de la foule respectueuse mais néanmoins terriblement embarrassée par les troubles de son expression verbale, le prince Albert – Bertie pour les intimes – est plus que jamais figé dans la solitude de son calvaire, encore accentuée par la toiture qui semble l’écraser. Paradoxalement, ce begaiement l’humanise et le fragilise aux yeux de la foule qui n’éprouve que de la compassion teintée de tristesse à son égard. À ce moment-là, le prince n’est plus que cet homme ordinaire luttant contre des mots qui ne veulent pas sortir de sa bouche. En tant que futur roi, il saura s'en souvenir dans sa lente mais nécessaire autoformation élocutoire.


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