Dans Le Discours d’un roi (King’s Speech de Tom Hooper/2010), Colin
Firth campe, au Royaume-Uni, un extraordinaire prince Albert, duc d’York et
deuxième fils du roi George V. Il est sur le point de faire le discours de
clôture de l’Exposition coloniale britannique au stade de Wembley en 1925. Mais
le bégaiement dont il souffre depuis l’enfance, rend cette tâche aussi
insurmontable qu’humiliante. Observé par des milliers d’yeux, celui qui
représente la monarchie du pays « sur
lequel le soleil ne se couche jamais » ânonne un discours qui se transforme
en chemin de croix. En effet, l’épreuve est d’autant plus douloureuse que le
duc s’adresse, en même temps, à tous les habitants des colonies britanniques
par l’intermédiaire de cet instrument de torture qu’est le micro devant lequel
il se tient. La radiodiffusion, nouvelle forme de communication de masse, rend
cette tentative de discours politique du prince encore plus préoccupante. Isolé
au sommet de sa tribune, l’homme au chapeau haut-de-forme et à la redingote est
paralysé par la peur et les mots ne sortent de sa gorge que par intermittence. Tom
Hooper a construit son plan et son personnage principal tout en perspective.
Cadré en vision frontale et en contre-plongée, le prince Albert est au bout des
diagonales qui forment autant de lignes de fuite partant des spectateurs placés
en contrebas tout en prolongeant notre
propre regard. De part et d’autre de l’infortuné orateur, d’autres regards
prolongent cette fois-ci des horizontales – des lignes d’horizon - qui
finissent par l’enfermer dans cette fonction de représentation qu’il ne désire
pas. Enfin, le cadre est très précisément coupé en deux parties égales par
cette verticale qui sépare deux lignes de spectateurs, rejoignant le même point
de fuite précédent, matérialisé cette fois-ci par le micro. Au milieu de la
foule respectueuse mais néanmoins terriblement embarrassée par les troubles de
son expression verbale, le prince Albert – Bertie pour les intimes – est plus que
jamais figé dans la solitude de son calvaire, encore accentuée par la toiture
qui semble l’écraser. Paradoxalement, ce begaiement l’humanise et le fragilise
aux yeux de la foule qui n’éprouve que de la compassion teintée de tristesse à
son égard. À ce moment-là, le prince n’est plus que cet homme ordinaire luttant
contre des mots qui ne veulent pas sortir de sa bouche. En tant que futur roi, il saura s'en souvenir dans sa lente mais nécessaire autoformation élocutoire.
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