Les Anasazis étaient un peuple amérindien qui
occupa au VIIIe siècle après Jésus-Christ les espaces désertiques des Four
Corners, là où convergent l’Utah, le Colorado, l’Arizona et le Nouveau-Mexique.
Sédentaire, il construisit, aux pieds des falaises, des villages troglodytes en
pierres et en adobe, dont les vestiges sont encore visibles aujourd’hui. Pour
des raisons encore indéterminées, vers 1300, les Anasazis quittèrent ces lieux.
La guerre, la surpopulation et la disparition des ressources dans un environnement
hostile dans lequel l’eau était rare, peuvent expliquer cet abandon. Pour des
raisons encore plus obscures, ce décor, hautement cinégénique, n’a que trop
rarement été utilisé dans le western. À l’exception de Fort Massacre de Joseph M. Newman (1958), seuls La Fille du désert (Colorado Territory de Raoul Walsh/1949) et L’Or de Mackenna (MacKenna’s
Gold de J. Lee Thompson/1969) placent une partie de l’action dans ces lieux
arides. Pourtant, ce décor à la dramaturgie expressive est envoûtant :
villages en ruines au pied de falaises vertigineuses ou perchés dans les anfractuosités
du rocher, aura mystérieuse sur les raisons de leur abandon, forteresses fantômes
dont les tours continuent de surveiller le plateau désertique, sites qui
semblent inexpugnables face aux attaques des prédateurs qu’ils soient humains
ou animaux …
Dans Fort
Massacre, un détachement de la cavalerie américaine, déjà passablement
décimé par les embuscades apaches et commandé par le sergent Vinson (Joel
McCrea), s’avance avec précaution vers ce village anasazi, pour s’y cacher et
reprendre des forces. Silhouettes minuscules, ils sont écrasés autant pas la
chaleur étouffante du Sud-Ouest que par la masse rocheuse qui les surplombe.
Cachés dans les hautes herbes desséchées, au milieu d’un territoire dangereux,
ils cherchent à repérer un signe de vie derrière ces ruines endormies depuis
plusieurs siècles. Magnifiées par le cinémascope, celles-ci, à l’abri d’une
caverne creusée dans la falaise, ne représentent plus que le squelette de ce
qui a dû être autrefois un village plein de vie et bourdonnant d’activités. Les
tours et les maisons en partie détruites se confondent avec les parois lisses
de l’à-pic qui les enveloppent. Comme habitée par une vision du passé
amérindien, cette forteresse, recroquevillée sur elle-même, est le témoin silencieux
et muet d’une civilisation disparue. L’intrusion de la cavalerie américaine,
dans ce lieu chargé d’histoire, s’apparente à une profanation du souvenir
laissé par les premiers habitants de ces régions. Hanté par le souvenir de sa
femme et de ses deux enfants massacrés par les Apaches, le sergent Vinson voue à ceux-ci une haine féroce et implacable. Fanatisé et aveuglé par son racisme, il ne
se rend pas compte qu’il n’est qu’un intrus dans cet espace mémoriel et cette
archéologie qui le dépassent, pour lesquels il n’éprouve que du mépris. C’est
entre les murs de cette citadelle fantôme que ses os finiront par blanchir sous
le soleil du désert.
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