jeudi 12 janvier 2017

Les ruines anasazis chez Joseph M.Newman


Les Anasazis étaient un peuple amérindien qui occupa au VIIIe siècle après Jésus-Christ les espaces désertiques des Four Corners, là où convergent l’Utah, le Colorado, l’Arizona et le Nouveau-Mexique. Sédentaire, il construisit, aux pieds des falaises, des villages troglodytes en pierres et en adobe, dont les vestiges sont encore visibles aujourd’hui. Pour des raisons encore indéterminées, vers 1300, les Anasazis quittèrent ces lieux. La guerre, la surpopulation et la disparition des ressources dans un environnement hostile dans lequel l’eau était rare, peuvent expliquer cet abandon. Pour des raisons encore plus obscures, ce décor, hautement cinégénique, n’a que trop rarement été utilisé dans le western. À l’exception de Fort Massacre de Joseph M. Newman (1958), seuls La Fille du désert (Colorado Territory de Raoul Walsh/1949) et L’Or de Mackenna (MacKenna’s Gold de J. Lee Thompson/1969) placent une partie de l’action dans ces lieux arides. Pourtant, ce décor à la dramaturgie expressive est envoûtant : villages en ruines au pied de falaises vertigineuses ou perchés dans les anfractuosités du rocher, aura mystérieuse sur les raisons de leur abandon, forteresses fantômes dont les tours continuent de surveiller le plateau désertique, sites qui semblent inexpugnables face aux attaques des prédateurs qu’ils soient humains ou animaux …

Dans Fort Massacre, un détachement de la cavalerie américaine, déjà passablement décimé par les embuscades apaches et commandé par le sergent Vinson (Joel McCrea), s’avance avec précaution vers ce village anasazi, pour s’y cacher et reprendre des forces. Silhouettes minuscules, ils sont écrasés autant pas la chaleur étouffante du Sud-Ouest que par la masse rocheuse qui les surplombe. Cachés dans les hautes herbes desséchées, au milieu d’un territoire dangereux, ils cherchent à repérer un signe de vie derrière ces ruines endormies depuis plusieurs siècles. Magnifiées par le cinémascope, celles-ci, à l’abri d’une caverne creusée dans la falaise, ne représentent plus que le squelette de ce qui a dû être autrefois un village plein de vie et bourdonnant d’activités. Les tours et les maisons en partie détruites se confondent avec les parois lisses de l’à-pic qui les enveloppent. Comme habitée par une vision du passé amérindien, cette forteresse, recroquevillée sur elle-même, est le témoin silencieux et muet d’une civilisation disparue. L’intrusion de la cavalerie américaine, dans ce lieu chargé d’histoire, s’apparente à une profanation du souvenir laissé par les premiers habitants de ces régions. Hanté par le souvenir de sa femme et de ses deux enfants massacrés par les Apaches, le sergent Vinson voue à ceux-ci une haine féroce et implacable. Fanatisé et aveuglé par son racisme, il ne se rend pas compte qu’il n’est qu’un intrus dans cet espace mémoriel et cette archéologie qui le dépassent, pour lesquels il n’éprouve que du mépris. C’est entre les murs de cette citadelle fantôme que ses os finiront par blanchir sous le soleil du désert. 


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