Le duel opposant André Moreau (Stewart Granger)
et le marquis Noël de Maynes (Mel Ferrer) dans Scaramouche de George Sydney (1952) est réputé pour être le plus
long (7 minutes) et le plus brillant de l’histoire du cinéma. Véritable
chorégraphie orchestrée avec la plus grande élégance par le réalisateur, cet affrontement
ne se fait pourtant pas à fleurets mouchetés. En effet, André voue une haine
tenace à l’encontre du marquis depuis que celui-ci a tué son meilleur ami,
Philippe de Valmorin. Les épées sont sorties de leur fourreau et le sang doit
désormais couler pour que s’accomplisse la catharsis, ce rituel de purification
des passions. À la veille de la Révolution française, le marquis est la fine
lame du royaume de France redoutée par tous ceux qui portent l’épée. À l’instar
des Lagardère ou d’Artagnan, André Moreau lui oppose
sa fougue, sa détermination et sa science de l’arme blanche apprise au contact
d’un maître réputé, Doutreval, qui se trouve être le même instructeur que celui
de Noël de Maynes. Attaques, parades, dérobades, bonds, esquives, feintes, c’est
à un ballet dans un Technicolor flamboyant que les duellistes nous invitent. Les
lames s’entrechoquent, les corps virevoltent avec audace et chacun regarde la
mort en face. Mais ce duel aussi fluide que léger puise aussi son esthétisme
dans un décor qui vient magnifier ce combat à outrance. Le spectacle a quitté
la scène pour se dérouler dans les vestibules, le parterre, les loges, les
coulisses et les balcons sans oublier les balustrades d’un théâtre qui forment
autant d’espaces dans et sur lesquels les deux adversaires peuvent évoluer en
toute liberté, sous les regards du public. Tout en ferraillant, chacun utilise
avec habileté et fougue un escalier pour dominer l’autre, une corde de rideau
pour se jeter dans le vide, un fauteuil pour amortir sa chute, des colonnes
pour esquiver la pointe de la lame adverse. Les cascades effectuées avec grâce
(Mel Ferrer était danseur à Broadway dans sa jeunesse) sur ces balustrades s’apparentant
à de minces lignes de crête, sont filmées dans une contre-plongée oblique qui
accentue le déséquilibre de l’action et les risques que prennent les bretteurs.
Les couleurs chatoyantes de la salle et les dorures qui ornent les balcons
renvoient au souci pictural de la grande période du classicisme hollywoodien
des années 50. Scaramouche est, sans
aucun doute, avec Les Trois Mousquetaires
(The Three Musketeers du même George
Sydney en 1948), le plus grand film de cape et d’épée.
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