mercredi 25 janvier 2017

Le duel et le théâtre chez George Sydney


Le duel opposant André Moreau (Stewart Granger) et le marquis Noël de Maynes (Mel Ferrer) dans Scaramouche de George Sydney (1952) est réputé pour être le plus long (7 minutes) et le plus brillant de l’histoire du cinéma. Véritable chorégraphie orchestrée avec la plus grande élégance par le réalisateur, cet affrontement ne se fait pourtant pas à fleurets mouchetés. En effet, André voue une haine tenace à l’encontre du marquis depuis que celui-ci a tué son meilleur ami, Philippe de Valmorin. Les épées sont sorties de leur fourreau et le sang doit désormais couler pour que s’accomplisse la catharsis, ce rituel de purification des passions. À la veille de la Révolution française, le marquis est la fine lame du royaume de France redoutée par tous ceux qui portent l’épée. À l’instar des Lagardère ou d’Artagnan, André Moreau lui oppose sa fougue, sa détermination et sa science de l’arme blanche apprise au contact d’un maître réputé, Doutreval, qui se trouve être le même instructeur que celui de Noël de Maynes. Attaques, parades, dérobades, bonds, esquives, feintes, c’est à un ballet dans un Technicolor flamboyant que les duellistes nous invitent. Les lames s’entrechoquent, les corps virevoltent avec audace et chacun regarde la mort en face. Mais ce duel aussi fluide que léger puise aussi son esthétisme dans un décor qui vient magnifier ce combat à outrance. Le spectacle a quitté la scène pour se dérouler dans les vestibules, le parterre, les loges, les coulisses et les balcons sans oublier les balustrades d’un théâtre qui forment autant d’espaces dans et sur lesquels les deux adversaires peuvent évoluer en toute liberté, sous les regards du public. Tout en ferraillant, chacun utilise avec habileté et fougue un escalier pour dominer l’autre, une corde de rideau pour se jeter dans le vide, un fauteuil pour amortir sa chute, des colonnes pour esquiver la pointe de la lame adverse. Les cascades effectuées avec grâce (Mel Ferrer était danseur à Broadway dans sa jeunesse) sur ces balustrades s’apparentant à de minces lignes de crête, sont filmées dans une contre-plongée oblique qui accentue le déséquilibre de l’action et les risques que prennent les bretteurs. Les couleurs chatoyantes de la salle et les dorures qui ornent les balcons renvoient au souci pictural de la grande période du classicisme hollywoodien des années 50. Scaramouche est, sans aucun doute, avec Les Trois Mousquetaires (The Three Musketeers du même George Sydney en 1948), le plus grand film de cape et d’épée.


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