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mardi 29 juin 2021
Les rebelles chez Richard C.Sarafian
dimanche 27 juin 2021
L'absurde chez Stanley Kubrick
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[1] Ingénieur
nazi responsable du programme des V2, nommé directeur du centre de vol spatial
de la Nasa en 1958
mardi 22 juin 2021
La culpabilité et le sacrifice chez Fred Zinnemann
Acte
de violence (Act of
Violence, Fred Zinnemann, 1948) est un très grand film noir. Trois ans
après la fin de la Seconde Guerre mondiale, rescapé d'un camp de prisonniers,
un ancien soldat, Joe Parkson (Robert Ryan) traque un compagnon de captivité,
Frank Enley (Van Heflin) qui avait trahi ses hommes contre de la nourriture, alors
que ces derniers se préparaient à s'évader. Tous furent tués à l'exception de Joe,
sorti de l'épreuve néanmoins estropié. En dépit de cette culpabilité et de
cette mauvaise conscience, Frank, de retour aux États-Unis, est célébré comme
un héros de guerre. Devenu un paisible habitant d'une ville californienne, Santa
Lisa, il est désormais très investi dans sa communauté aux côtés de son épouse
Edith (Janet Leigh) et de son petit garçon. Le surgissement de Joe dans sa vie
remet en cause ce fragile équilibre tissé entre l'image qu'il donne de lui-même
et le mensonge qui le hante. Désemparé, rongé par la culpabilité et poursuivi
par celui qui ne lui pardonne pas sa faute et sa forfaiture, Frank se réfugie
dans les bas-fonds de la ville, fait la connaissance d'un proxénète, Johnny
(Barry Kroeger), qui lui propose d'abattre Parkson en échange d'une forte somme
d'argent. Le piège est tendu à la gare de Santa Lisa (photogramme), après une
course-poursuite nocturne entre Joe et Frank, à travers les rues désertes de la
ville. À cette heure tardive de la nuit, le décor pour la tragédie finale,
magnifié par la photographie de Robert Surtees, est en place: enveloppée dans
l'obscurité, la gare déserte est éclairée par des halos en autant de plages lumineuses
éparses et la pluie qui vient de s'arrêter rend la froideur de ce paysage
urbain encore plus menaçante. Joe, une arme à la main, est interloqué en voyant
Frank s'effondrer sur la chaussée luisante, blessé à mort par la balle qui lui
était destinée. En effet, à droite du cadre, le coup de feu est parti de cette
voiture dans laquelle se trouvait Johnny. L'éclairage oblique des lumières du
train quittant la gare permet d'isoler la scène qui vient de se dérouler il y a
quelques secondes à peine: cherchant, dans un élan suicidaire et dans un ultime
geste moral et sacrificiel à expier sa faute originelle, Frank s'est brusquement
interposé entre Johnny et Joe au moment où le premier a tiré sur le second. Incarnant
jusqu'au bout une Némésis[1]
implacable, et ignorant tout, jusqu'à cet instant, du complot ourdi contre lui,
Joe sait que cette balle a scellé le destin de Frank. Acte de violence
est construit en miroir inversé par rapport à La Septième Croix (The
Seventh Cross), un autre film réalisé par Fred Zinnemann en 1944 racontant
l'évasion de sept déportés allemands d'un camp de concentration. Traqués par la
Gestapo, six d'entre eux sont repris mais le septième s'en sort pour rejoindre
un réseau de résistance. En 1944, au plus fort de la guerre, Zinnemann met en
scène un héros dépourvu d'ambiguïté pour dénoncer la barbarie nazie, alors qu'en
1948, la paix étant revenue, le réalisateur expose les traumatismes de deux ex-soldats
faillibles confrontés à leurs démons. Raconter une telle histoire, alors que
les États-Unis célébraient leur puissance économique et militaire, était un
pari osé.
mardi 15 juin 2021
La machine à écrire chez Steven Spielberg
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mardi 8 juin 2021
Le ranch Spahn chez Quentin Tarantino
lundi 7 juin 2021
La femme fatale chez John M. Stahl
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mercredi 2 juin 2021
L'extase et la colère chez Renny Harlin
mardi 1 juin 2021
Le masochisme chez Billy Wilder
« Il y avait trois jeunes réalisateurs qui
promettaient à l'époque. D.W. Griffith, Cecil B. DeMille et Max von Mayerling
(…). J'aurais pu poursuivre ma carrière, mais tout m'était insupportable après
qu'elle m'eut quitté. Vous comprenez, j'ai été son premier mari ». C'est
avec ces mots aussi terribles que vertigineux que Max (Erich von Stroheim, à
droite du photogramme), le domestique de Norma Desmond (Gloria Swanson),
s'adresse, avec un air impavide, à Joe Gillis (William Holden, à gauche du
photogramme). Dans Boulevard du crépuscule (Sunset Boulevard,
Billy Wilder, 1950) et jusqu'à cet instant, il était ce valet dévoué au service
d'une ancienne star du cinéma muet, chargé d'entretenir l'illusion que Norma,
en dépit des années, restait cette légende vivante qu'elle fut dans les années
20. Devançant toujours les moindres caprices de sa maîtresse, organisant avec
un soin maniaque la villa de « Madame », engoncé dans une raideur disciplinée
et soumise, Max se révèle être, dans un coup de théâtre aussi violent
qu'abyssal, un ancien amant, un ancien mari et un ancien réalisateur, trois
facettes d'un même personnage tragique et pathétique qui a choisi de sacrifier
sa vie privée et professionnelle sur l'autel de la domesticité. Violent et
abyssal, parce que Max von Mayerling et Erich von Stroheim ne font qu'un. À
quoi peut penser cet acteur né en 1885 en Autriche-Hongrie et arrivé aux
États-Unis en 1909, lorsqu'il prononce, dans cette obscurité propice aux
confidences, ce monologue qui tient plus de la perversité masochiste que d'un
texte sorti d'un scénario ? En 1950, Erich von Stroheim n'est plus le cinéaste,
scénariste, décorateur et monteur hors-norme dont Hollywood cherchait à
contrôler la force créatrice. Ses films ont été mutilés (Folies de femmes/Foolish
Wives, 1922), remontés (Les Rapaces/Greed, 1924) non achevés
(Queen Kelly, 1928, déjà avec Gloria Swanson !). Sa carrière de
réalisateur a été définitivement brisée en 1933 par un Hollywood puritain et
conformiste, lassé par ses exigences artistiques qui explosaient les budgets et
sa vision du monde, pessimiste, violente et cruelle. Ne pouvant plus tourner,
on le vit jouer néanmoins chez les autres cinéastes. Son rôle d'officier
allemand au crâne rasé et au monocle sur l'œil droit, sanglé dans un uniforme
aussi raide que la minerve qui immobilise son cou est encore dans toutes les
mémoires (La Grande illusion, Jean Renoir, 1937). De 1915 à 1955, pas
moins de quatre-vingt-deux films virent sa silhouette inoubliable défiler
devant les caméras. Face à Joe Gillis, un scénariste raté engagé par Norma
Desmond pour rédiger le scénario qui lui permettra de faire son grand retour,
c'est le passé d'Erich von Stroheim que Billy Wilder met en scène pour mieux
stigmatiser ce miroir aux alouettes qu'est Hollywood, capable tout autant de
porter aux nues des hommes et des femmes que de détruire celles et ceux qui
s'écartent des sentiers battus. Sur le photogramme, son visage, à moitié
éclairé par une lumière crépusculaire, traduit cette dichotomie qui confine à
la folie: accepter de mettre en abyme la plaie de son échec et de ses
désillusions, en interprétant un rôle qui lui apportera en 1951 l'Oscar du
meilleur acteur dans un second rôle. Pourtant, que l'on ne s'y trompe pas, à
travers Max von Mayerling, et en le comparant à D.W. Griffith et Cecil B.
DeMille, c'est bien à Erich von Stroheim le réalisateur que Billy Wilder rend en
définitive un hommage appuyé et admiratif.