Au
cours d’une vérification d’identité nocturne à un point de passage perdu en
plein désert, le regard qu’échange cette Palestinienne (Noam Lugasy) avec
Yonatan Foldman (Yonatan Shiray), un soldat israélien, illustre, un court
instant, ce qui pourrait être possible entre ces deux communautés. À l'instar de
la garnison du fort Bastiani attendant un ennemi surgir du désert des Tartares,
quatre soldats sont, en effet, chargés de garder un check-point. À quoi peut
donc servir, dans une attente indéfinie, cette petite unité militaire,
immobile, aux aguets, les yeux rivés sur un horizon désespérement vide ? Hormis
quelques chameaux qui passent sans encombre la barrière, rares sont les
occasions qui permettraient aux
militaires de tromper leur ennui et leur désoeuvrement, exécutant une mission
dont ils ont des difficultés à saisir le
sens et dont l'aspect routinier les ronge progressivement. De temps en temps,
comme pour les sortir de leur léthargie, une voiture s’arrête pour se soumettre
aux contrôles d’identités avant de poursuivre sa route. Le temps s’écoule
inexorablement entre ennui et solitude, loin des lumières de la ville et de la
civilisation. Un soir, un véhicule avec quatre passagers à bord , s’arrête.
Deux hommes et deux femmes, tous Palestiniens, attendent la vérification de
leurs identités. À la droite du chauffeur, une jeune femme – dont nous ne
saurons pas le nom - tourne la tête pour regarder Yonatan derrière sa
mitailleuse. D'abord gênée, hésitante et timide, elle sait qu'il la fixe du
regard. Graduellement enhardie, elle finit par soutenir son regard, esquissant
un sourire, qui se veut autant séducteur que complice. Ce léger mouvement des
lèvres laisse apparaître une infinie douceur qui ne laisse pas indifférent
Yonathan. Les yeux noirs rehaussés par des sourcils soigneusement dessinés, le
visage triangulaire et coloré, les cheveux bruns roulant en cascades sur la
nuque et les épaules de la Palestinienne, tout ce visage illumine la nuit d'un
désir de vie et transforme un sentiment émotionnel irrésistible en une réalité
libre de toute contrainte extérieure. Un dialogue sans paroles s'installe alors
et une intériorité partagée, synonyme d'ouverture sur le monde, rend évidente
la connivence et l'innocence entre cette femme et cet homme. Oubliant quelques
instants sa mitrailleuse et son devoir, Yonatan est profondément troublé par la
beauté et la grâce de la passagère; il pense à ce qui serait possible s'il n'y
avait pas de check-point, de contrôle, d'uniformes, d'armes à feu. Le temps
d'un regard, les tensions et les haines qui existent entre les deux communautés
sont suspendues, oubliées, comme si elles n'existaient pas, comme si la notion
d'ennemi devenait dérisoire et comme si la question du sens de la vie humaine
devait prendre alors, à ce moment précis, toute son ampleur. Dans Foxtrot (2017), Samuel Maoz sonde les
âmes et les cœurs dans un vertigineux face-à-face en suspension mais qui ne
survivra pas au retour du réel, de la violence et de la spirale mortifère qui
caractérise cette région depuis des décennies.
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