Cette porte à deux vantaux s’ouvrant dans les
deux sens est indispensable à tout bon saloon qui se respecte dans le western.
Ferrée avec des charnières va-et-vient, elle facilite les passages et permet
d’y entrer comme d’en sortir (souvent les deux pieds devant, le corps criblé de
balles). Dans Winchester 73 réalisé en 1950 par Anthony Mann, cette porte est
plus qu’une entrée/sortie pour cowboys sur la voie de l’ébriété ou submergés
par elle. Elle fait partie intégrante de la dramaturgie de la séquence. Anthony
Mann articule sa mise en scène autour de ces deux panneaux en bois. En effet, les
deux vantaux séparent Waco Johnny Dean (Dan Duryea), un outlaw en train de
sortir du saloon, du colt dont le propriétaire occupe à l’extérieur le tiers
gauche du cadre. La caméra est placée au niveau de la rue, en contre-plongée,
de telle manière que le spectateur, en voyant le regard de Waco, sait déjà
qu’il a des intentions malveillantes. Et il a raison, puisque derrière le
bandit, hors-champ, se trouve Lin McAdam (James Stewart) dont on aperçoit à
peine le stetson derrière l’épaule gauche de Waco. Lin le suit, un fusil à la
main, mais tout en marquant le malfrat à la culotte, celui-là ne sait rien à ce
moment-ci des intentions malveillantes du second. (Vous me suivez ? Si vous
voulez avoir plus de détails sur le pourquoi et le comment de leur opposition,
allez voir le film !). Nous sommes donc en avance sur Lin McAdam. Anthony Mann
joue sur ce que le spectateur sait et voit, mais aussi sur ce que ne sait pas
le principal protagoniste de l’histoire, en l’occurrence Lin McAdam. Nous
n’avons jamais de la scène une vision d’ensemble, mais tout apparaît de manière
extrêmement limpide. Désormais, de part et d’autre de la porte, la tension
s’installe entre le colt et Lin.
Nos craintes étaient bien fondées, puisqu’en
passant devant le cowboy que l’on suppose négligemment appuyé à un poteau soutenant la charpente du
bâtiment, Waco s’empare du colt ci-dessus mentionné pour se retourner et ouvrir
le feu sur Lin. Ce dernier plonge alors dans le vantail gauche de la porte pour
se retrouver à son tour à l’extérieur. Les persiennes plus ou moins rectilignes
des vantaux prouvent qu’elles ont déjà subi ce traitement précédemment. Une
brève fusillade éclate alors. Waco, touché mortellement, titube pour mordre la
poussière. Le va-et-vient du vantail gauche encadre la chute convulsive du
bandit. Mais la caméra, elle, est restée à l’intérieur. C’est donc le point de
vue du réalisateur qui importe. Anthony Mann filme la violence de manière
fulgurante avec des éclairs sauvages. Dan Duryea est l’acteur parfait pour ce
type de situation. Calme, goguenard, fourbe et maître de ses émotions en
apparence, il est capable d’une violence éruptive qui est une des
caractéristiques du cinéma d’Anthony Mann. Le classicisme westernien à son
apogée !
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