mercredi 9 novembre 2016

La porte de saloon chez Anthony Mann


Cette porte à deux vantaux s’ouvrant dans les deux sens est indispensable à tout bon saloon qui se respecte dans le western. Ferrée avec des charnières va-et-vient, elle facilite les passages et permet d’y entrer comme d’en sortir (souvent les deux pieds devant, le corps criblé de balles). Dans Winchester 73 réalisé en 1950 par Anthony Mann, cette porte est plus qu’une entrée/sortie pour cowboys sur la voie de l’ébriété ou submergés par elle. Elle fait partie intégrante de la dramaturgie de la séquence. Anthony Mann articule sa mise en scène autour de ces deux panneaux en bois. En effet, les deux vantaux séparent Waco Johnny Dean (Dan Duryea), un outlaw en train de sortir du saloon, du colt dont le propriétaire occupe à l’extérieur le tiers gauche du cadre. La caméra est placée au niveau de la rue, en contre-plongée, de telle manière que le spectateur, en voyant le regard de Waco, sait déjà qu’il a des intentions malveillantes. Et il a raison, puisque derrière le bandit, hors-champ, se trouve Lin McAdam (James Stewart) dont on aperçoit à peine le stetson derrière l’épaule gauche de Waco. Lin le suit, un fusil à la main, mais tout en marquant le malfrat à la culotte, celui-là ne sait rien à ce moment-ci des intentions malveillantes du second. (Vous me suivez ? Si vous voulez avoir plus de détails sur le pourquoi et le comment de leur opposition, allez voir le film !). Nous sommes donc en avance sur Lin McAdam. Anthony Mann joue sur ce que le spectateur sait et voit, mais aussi sur ce que ne sait pas le principal protagoniste de l’histoire, en l’occurrence Lin McAdam. Nous n’avons jamais de la scène une vision d’ensemble, mais tout apparaît de manière extrêmement limpide. Désormais, de part et d’autre de la porte, la tension s’installe entre le colt et Lin. 


Nos craintes étaient bien fondées, puisqu’en passant devant le cowboy que l’on suppose négligemment appuyé à un poteau soutenant la charpente du bâtiment, Waco s’empare du colt ci-dessus mentionné pour se retourner et ouvrir le feu sur Lin. Ce dernier plonge alors dans le vantail gauche de la porte pour se retrouver à son tour à l’extérieur. Les persiennes plus ou moins rectilignes des vantaux prouvent qu’elles ont déjà subi ce traitement précédemment. Une brève fusillade éclate alors. Waco, touché mortellement, titube pour mordre la poussière. Le va-et-vient du vantail gauche encadre la chute convulsive du bandit. Mais la caméra, elle, est restée à l’intérieur. C’est donc le point de vue du réalisateur qui importe. Anthony Mann filme la violence de manière fulgurante avec des éclairs sauvages. Dan Duryea est l’acteur parfait pour ce type de situation. Calme, goguenard, fourbe et maître de ses émotions en apparence, il est capable d’une violence éruptive qui est une des caractéristiques du cinéma d’Anthony Mann. Le classicisme westernien à son apogée !



Aucun commentaire:

Publier un commentaire