samedi 30 décembre 2017

Le professeur de sciences chez Agnieszka Holland



Balloté par les soubresauts et les tragédies de l’Histoire (la Nuit de Cristal en 1938, l’invasion de la Pologne par les troupes allemandes et soviétiques en 1939, puis celle de l’URSS par le IIIe Reich en 1941), Salomon Perel (Marco Hofschneider), un jeune juif allemand, se retrouve successivement membre du Komsomol (organisation de la jeunesse communiste soviétique) en Pologne,  soldat dans la Wehrmacht sur le front russe, puis membre des Jeunesses hitlériennes en Allemagne. Dans Europa, Europa (Hitlerjunge Salomon, 1990), Agnieszka Holland dynamite au canon lourd et avec un humour dévastateur la pseudo-science nazie dont les préoccupations étaient plus idéologiques que scientifiques. Salomon - qui se fait désormais appelé Joseph Peters – assiste à un cours de science dans un centre de formation desdites Jeunesses hitlériennes, localisé à Brunswick, en Basse-Saxe. Le professeur Goethke (Erich Schwarz) se targue de reconnaître un juif à certains traits distinctifs. Très doctement, il commence sa leçon d’anthropologie et de raciologie appliquées : « Génétiquement, un juif est différent de nous, le juif a le front haut et le nez crochu, l’occiput plat, les oreilles proéminentes et une démarche de singe (..) il gesticule des mains, a des manières serviles ». Joignant le geste à la parole, Goethke imite la démarche d’un primate,  se déplaçant le dos courbé, l’air menaçant, les doigts écartés, fixant les élèves d’un œil réprobateur. L’abomination de son discours et le ridicule consommé de sa posture ne choquent manifestement pas ces élèves soumis à un endoctrinement généralisé depuis de nombreuses années. « La science est objective » poursuit le professeur, sans que celui-ci ne se rende compte qu’il se trouve face à un juif. Joseph, revêtu comme tous ses camarades d’un uniforme brun comparable à celui du NSDAP, le regarde, incrédule mais inquiet, face à ce déferlement de haine normalisée et assumée. C’est la distance créée entre ce que sait le spectateur et ce qu’ignore le professeur qui provoque le rire salvateur, celui qui empêche de pleurer, le seul à même de souligner l’absurdité de ce que raconte cet « expert racial ». Mais ce rire finit immanquablement par s’étrangler, puisque l’on sait que cette théorie de la hiérarchie raciale servit à justifier et donc à légitimer les pires atrocités. Le point de vue d’Agnieszka Holland souligne une volonté incontestable de tenir en respect la barbarie d’un régime politique et de tous ceux qui le servirent. Née à Varsovie en 1948, d’une mère catholique et d’un père juif, la réalisatrice n’a pas connu l’occupation allemande, mais sa mère participa, au sein de la Résistance polonaise, au soulèvement de Varsovie en 1944. Son film lui rend hommage.


Aucun commentaire:

Publier un commentaire