Attaque (Attack !, 1956) est le deuxième des trois
films que Robert Aldrich tourna avec Jack Palance. Après Le Grand Couteau
(The Big Knife, 1955) et avant Tout près de Satan (Ten Seconds
to Hell, 1959), il réalise son premier film de guerre dont l'action se
situe en 1944, pendant l'offensive allemande des Ardennes. Mais le scénario
n'eut pas l'heur de plaire au Département de la Défense qui avait l'habitude de
prêter sans tergiverser son matériel à Hollywood, pourvu que l'armée soit
montrée sous un jour favorable, héroïque et en lutte pour défendre la
démocratie. C'est tout le contraire avec Attaque qui dénonce violemment
la hiérarchie militaire composée de Clyde Bartlett (Lee Marvin), un
lieutenant-colonel carriériste et arriviste et de Erskine Cooney (Eddie
Harris), un capitaine lâche, pleutre et foncièrement incompétent. Face à la corruption
et l'impéritie de cette chaîne de commandement, deux subalternes, les
lieutenants Harold Woodruff (William Smithers) et Joe Costa (Jack Palance),
vont exécuter leurs ordres en cherchant la réussite de leur mission tout en
faisant le maximum pour limiter les pertes. De retour d'une action ordonnée par
le capitaine Cooney et alors que tout son peloton le croyait mort, Costa surgit
d'une porte ouverte sur l'enfer (voir le photogramme). Titubant, le regard
hagard, en proie à une souffrance indicible, il descend avec difficulté les
marches d'un escalier qui mène à une cave dans laquelle Cooney, Woodruff et
quelques hommes se sont réfugiés. Tout son corps disloqué témoigne des violents
combats auxquels il a dû faire face. Son bras gauche sanguinolent, broyé par
les chenilles d'un char allemand, pend inerte le long de son corps. Le mur sur
lequel il s'appuie avec difficulté l'empêche de tomber, alors qu'un éclairage
oblique obscurcit de manière dramatique le haut de son visage. Tout indique
l'imminence de la mort, imminence encore renforcée par l'ombre sinistre que
projette Costa derrière lui. Pourtant ses yeux fixes et hallucinés affichent
encore l'inflexible volonté de tuer Cooney « non pour se venger mais pour
débarrasser son unité d'un funeste imposteur »[1].
Le revolver qu'il tient dans sa main droite doit lui permettre, en rassemblant ses
dernières forces, d'exécuter ce dernier objectif. Costa n'est pas en route pour
la gloire, ni sur le point de mourir pour la bannière étoilée en héros
valeureux prêt au sacrifice ultime comme le sergent Stryker (John Wayne) dans Iwo
Jima (Sands of Iwo Jima, Alan Dwan, 1949), mais il meurt en raison
de la stupidité et de la couardise d'un supérieur incapable du moindre
discernement dans la conduite d'une opération militaire. L'ennemi est donc
autant à l'intérieur qu'à l'extérieur d'une armée qui apparaît singulièrement
défaillante. Par son geste, Costa ne peut être condamné qu'à l'oubli. « L'oubli
? Celui de la soldatesque anonyme, les « Costa » de tous grades et de toutes
armes, victimes de la grande Histoire et des rêves de gloire ou de
l'incompétence des petits chefs »[2].
Ce point de vue a, bien évidemment, été très mal reçu dans les États-Unis de
Dwight D. Eisenhower - l'ancien commandant en chef des forces américaines en
Europe pendant la Seconde Guerre mondiale – baignant toujours dans le souvenir
de la victoire sur le nazisme et peu enclins à voir sur un écran de cinéma l'aberration
de la guerre et les turpitudes de ceux qui la conduisent.
samedi 4 septembre 2021
L'armée chez Robert Aldrich
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RépondreEffacer"Hiérarchie", "carriériste", "arriviste", "lâche", "pleutre", "incompétent", "corruption", "impéritie", "stupidité", "couardise", "supérieur incapable du moindre discernement", "porte ouverte sur l'enfer", "ennemi à l'intérieur", "singulièrement défaillante", "incompétence des petits chefs", "aberration" et "turpitudes" !!!!! Tu me donnes du vocabulaire pour décrire mes expériences passées ! Je comprends pourquoi j'en sors "disloqué" par les "violents combats". J'en ai vu passé des chenilles de char !
RépondreEffacerJ'adore l'affiche : "hot hell behind glory"