dimanche 22 août 2021

Le chocolat chez Lasse Hallström



« Il était une fois un petit village pauvre dans la campagne française dont les habitants croyaient fermement à la tranquillité. Dans ce village, chacun connaissait son rôle dans l'ordre des choses, chacun comprenait ce que l'on attendait de lui ». C'est par ces mots que s'ouvre ce conte aussi humaniste que culinaire. « Portés par le vent du Nord », deux chaperons rouges, Vianne Rocher (Juliette Binoche, à droite du photogramme)) et sa fille de six ans Anouk (Victoire Thivisol), s'arrêtent dans le village de Lansquenet pour y louer une ancienne pâtisserie tombée en désuétude, et ouvrir – en plein carême - une chocolaterie, un commerce donc exclusivement dédié à la fève de cacao et à ses dérivés. Que ce soit sous la forme de chocolat chaud, de mignardises à la noix de coco, de gâteaux chocolatés, de truffes aux noix ou que le chocolat soit noir, au lait ou blanc, recouvert de pralin, de caramel ou de grains d'épice concassés, ces confiseries vont bouleverser la vie des villageois engoncés dans un conformisme puritain et dans une morale fossilisée par l'emprise patriarcale et réactionnaire d'un potentat local, le comte de Reynaud (Alfred Molina). En effet, tout ce chocolat va s'avérer être un puissant facteur d'émancipation, un révélateur de désirs réprimés, particulièrement pour Joséphine (Lena Olin, à gauche du photogramme), une femme battue trouvant dans les vertus gustatives du chocolat la force de quitter son mari brutal et vindicatif. Les deux chocolatières vont désormais unir leurs forces, avec une telle concentration, une telle passion commune, que d'autres habitants n'auront d'autre choix que d'y succomber, au grand dam du comte de Reynaud qui voit dans ces femmes libérées et indépendantes une menace directe à son autorité. Penchée au-dessus d'une plaque de papier sulfurisé, Joséphine, toute souriante, tord à deux mains une poche à pâtisserie pour mouler, sous l'œil amusé de Vianne (à droite du photogramme), des mignardises en chocolat. Ce rituel accompli dans la cuisine et à l'abri des regards confine au sacré, mélange la dextérité, la vue, l'odorat et le goût pour charmer leurs sens gustatif et olfactif…... et le nôtre. Non content de faire du chocolat un hymne au plaisir en transformant peu à peu les villageois en fins gourmets de plus en plus rétifs à l'autocrate local, Lasse Hallström dans Le Chocolat (2001) nous immerge dans la dimension divine et historique du cacaoyer nommé en 1727 Theobroma cacao ou « nourriture des dieux » par le naturaliste suédois Carl von Linné. Déjà « chez les Aztèques, on raconte que le dieu Quetzalcoatl aurait voler un cacaoyer au paradis et en fit cadeau à la femme, afin qu'elle prépare un breuvage susceptible de rendre sage et intelligent[1]. Reprenant la dimension thérapeutique et aphrodisiaque du cacao - Moctezuma, l'empereur aztèque ne buvait-il pas 50 tasses de cacao pour satisfaire ses nombreuses concubines[2]? - Vianne et Joséphine conjuguent l'hédonisme à l'épicurisme tout en refusant de faire la fine bouche pour faire disparaître tous les préjugés et autres bigoteries de ce monde.



[2] Histoire véridique de la conquête de la Nouvelle-Espagne de Bernard Diaz Del Castillo, 1632.




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