« Les armes sont une de mes
spécialités. Je suis le Commandant Frederick Mohr, de l'Armée allemande
impériale ». Polyglotte
confirmé, ce militaire en civil (Fernando Wagner, cela ne s'invente pas, à
gauche du photogramme), boursouflé par la stature que lui confère son rang,
s'adresse en anglais à Pike Bishop (William Holden, devant lui, hors-champ). Il
est au service d'une brute galonnée et toujours avinée, le général Mapache
(Emilio Fernandez, à droite du photogramme) à qui il s'adresse en espagnol. Il
s'agit donc d'un homme dont les ressources semblent inépuisables. Représentant
le Kaiser, il apporte une touche technique et stratégique à ce général indolent,
dépravé et cruel, digne représentant du général Huerta alors au pouvoir à
Mexico. L'action du film La Horde sauvage
(The Wild Bunch, Sam Peckinpah, 1969)
se passe en 1913, au moment de la révolution mexicaine. Mapache a besoin
d'armes pour combattre les forces de Pancho Villa et tous les rebelles qui
menacent son autoritarisme. Alors quoi de plus normal que d'avoir à ses côtés
un digne représentant de l'Allemagne impériale comme conseiller militaire !
Entre régimes autocratiques, la compréhension est mutuelle. Toujours impeccablement
habillé de blanc, panama sur la tête (sauf à la fin du film, où il sera revétu
de son uniforme), il incarne le spécialiste froid, méthodique, imbattable sur
les armes à feu, mais refusant d'en porter une pour ne pas avoir à se salir les
mains au contraire de Mapache et de ses sbires. Mais la présence de Mohr
contribue aussi à associer le militarisme conquérant prussien au caporalisme
contre-révolutionnaire de Mapache. Le western tardif des années 60 et 70 aime
représenter les sujets de Sa Majesté impériale à la solde des forces
réactionnaires mexicaines : le lieutenant Frantz Von Klemme (Eric Braeden dans 100 Fusils / 100 Rifles, Tom Gries, 1969) conseille l'alter ego de Mapache, le
général Verduro (Fernando Lamas) en lui disant, cravache à la main, que
les Allemands sont de bon conseil quand il s'agit d'occupation ! Mercenaire
manifestement d'origine allemande (Antoine St John dans Il était une fois la Révolution / Giù la testa, Sergio Leone, 1971), le colonel Günther Reza passe
son temps, au nom du gouverneur corrompu Don Jaime (Franco Raziosi), à poursuivre, à réprimer et à torturer les
infortunés révolutionnaires qui ont le malheur de se mettre en travers de sa
route. Derrière le conseiller militaire
ou le mercenaire, le nazi n'est jamais bien loin. Il semble assez clair que les
réalisateurs (particulièrement américains) cherchent avant tout à ravaler les
apprentis dictateurs mexicains au rang de boursoufflures de l'Histoire, tout
juste dignes d'appeler à l'aide des représentants de l'autocratie allemande,
eux-mêmes peu susceptibles de susciter l'admiration de la démocratie
américaine. Les impérialistes sont toujours les autres (Les Français soutenant
l'empereur Maximilien en savent quelque chose) (1). Mais la notion de
territoire et donc de frontière étant, en tant qu'éléments constitutifs de
l'identité américaine, au cœur du western, il serait illusoire de ne pas voir
que les nombreuses intrusions de gringos (Les Sept mercenaires /The Seven Magnificent, John Sturges,
1960, en est le meilleur exemple) au sud du Rio Grande ne manifestent pas autre
chose, pour les États-Unis, que la volonté de régenter les affaires du monde à
un moment où la Guerre froide fait rage.
(1) Voir
l'article La présence française au
Mexique chez Robert Aldrich
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