Remake de la Grande évasion (High Sierra, 1941), La Fille
du désert (Colorado Territory, Raoul Walsh, 1949) met en scène l’odyssée d’un hors-la-loi, Wes McQueen (Joel
McCrea) et de sa compagne Colorado Carson (Virginia Mayo), une métisse aussi
ombrageuse, volcanique et sensuelle qu’éperdument amoureuse de son amant. À la suite de l’attaque d’un train, Wes
McQueen est pris en chasse par un posse
dirigé par un marshall. Acculé dans la Cité de la lune, des ruines troglodytes cachées
dans l’anfractuosité d’une montagne du Canyon de la Mort, Wes subit un siège
qui apparaît très vite désespéré. Au même moment, alors que Colorado est
prisonnière de ses poursuivants, celle-ci réussit à subtiliser deux chevaux
pour parvenir aux pieds de la montagne et s’enfuir en récupérant Wes. Mais
cette tentative de fuite et cette espérance d’un ailleurs apaisé vont se
retourner contre les deux amants. Caché derrière les rochers, le posse surgit, lançant une charge dévastatrice
contre le couple qui a cru quelques secondes échapper à son destin. La traque
trouve son épilogue dans un grandiose face-à-face d’un lyrisme tragique et d’un
romantisme absolu.
Blessé, Wes est rapidement réduit à l’impuissance
alors que Colorado, farouche et déterminée, se tourne avec morgue contre ses
assaillants. Armée de deux colts, elle lance un dernier baroud d’honneur,
n’hésitant pas à tirer tout en offrant à Wes un rempart de son corps. La
dimension éruptive de ce personnage féminin est à rapprocher de celui de Pearl
Chavez (Jennifer Jones) dans Duel au
soleil (Duel in the Sun, King
Vidor, 1946). Ces deux femmes incarnent l’impossibilité pour les métisses de
s’intégrer dans la société américaine qui les renvoie toujours à la couleur de
leur peau. Marginalisées, elles ne peuvent exister que par leur force de
caractère, leurs passions et leurs pulsions de vie mais aussi de mort. La vision
dramaturgique de son héroïne donne au film de Raoul Walsh sa valeur
émotionnelle : les deux amants ne peuvent être unis que dans la mort.
Leurs corps, criblés de balles, s’effondrent dans la poussière du canyon, mais,
dans un dernier sursaut, les deux amants parviennent à joindre leurs mains dans
une ultime étreinte en unissant leurs destinées. La fatalité et la mort ont
fini par submerger Wes et Colorado. Le cinéma de Raoul Walsh a toujours su
montrer une empathie certaine pour ces personnages hors du commun, fracturés de
l’intérieur, vivant leur vie de manière intense et sans concession : Roy
Earle (Humphrey Bogart dans La Grande
Évasion/High Sierra, 1941), Cody
Jarrett (James Cagney dans L’Enfer est à
lui/White Heat, 1950), Barbe-Noire
(Robert Newton dans Barbe-Noire, le
pirate/Black-Beard the Pirate, 1952) incarneront à l’écran
ces jusqu’au-boutistes incapables de modifier leurs trajectoires sanglantes et funestes.
Dix-huit années plus tard, Arthur Penn filmera une séquence quasi-identique
dans Bonnie and Clyde. Deux autres
amants en cavale périront sous les rafales des mitraillettes de la police
embusquée derrière un bosquet.
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