samedi 11 février 2017

Les amants maudits chez Raoul Walsh


Remake de la Grande évasion (High Sierra, 1941), La Fille du désert (Colorado Territory, Raoul Walsh, 1949) met en scène l’odyssée d’un hors-la-loi, Wes McQueen (Joel McCrea) et de sa compagne Colorado Carson (Virginia Mayo), une métisse aussi ombrageuse, volcanique et sensuelle qu’éperdument amoureuse de son amant.  À la suite de l’attaque d’un train, Wes McQueen est pris en chasse par un posse dirigé par un marshall. Acculé dans la Cité de la lune, des ruines troglodytes cachées dans l’anfractuosité d’une montagne du Canyon de la Mort, Wes subit un siège qui apparaît très vite désespéré. Au même moment, alors que Colorado est prisonnière de ses poursuivants, celle-ci réussit à subtiliser deux chevaux pour parvenir aux pieds de la montagne et s’enfuir en récupérant Wes. Mais cette tentative de fuite et cette espérance d’un ailleurs apaisé vont se retourner contre les deux amants. Caché derrière les rochers, le posse surgit, lançant une charge dévastatrice contre le couple qui a cru quelques secondes échapper à son destin. La traque trouve son épilogue dans un grandiose face-à-face d’un lyrisme tragique et d’un romantisme absolu. 




Blessé, Wes est rapidement réduit à l’impuissance alors que Colorado, farouche et déterminée, se tourne avec morgue contre ses assaillants. Armée de deux colts, elle lance un dernier baroud d’honneur, n’hésitant pas à tirer tout en offrant à Wes un rempart de son corps. La dimension éruptive de ce personnage féminin est à rapprocher de celui de Pearl Chavez (Jennifer Jones) dans Duel au soleil (Duel in the Sun, King Vidor, 1946). Ces deux femmes incarnent l’impossibilité pour les métisses de s’intégrer dans la société américaine qui les renvoie toujours à la couleur de leur peau. Marginalisées, elles ne peuvent exister que par leur force de caractère, leurs passions et leurs pulsions de vie mais aussi de mort. La vision dramaturgique de son héroïne donne au film de Raoul Walsh sa valeur émotionnelle : les deux amants ne peuvent être unis que dans la mort. Leurs corps, criblés de balles, s’effondrent dans la poussière du canyon, mais, dans un dernier sursaut, les deux amants parviennent à joindre leurs mains dans une ultime étreinte en unissant leurs destinées. La fatalité et la mort ont fini par submerger Wes et Colorado. Le cinéma de Raoul Walsh a toujours su montrer une empathie certaine pour ces personnages hors du commun, fracturés de l’intérieur, vivant leur vie de manière intense et sans concession : Roy Earle (Humphrey Bogart dans La Grande Évasion/High Sierra, 1941), Cody Jarrett (James Cagney dans L’Enfer est à lui/White Heat, 1950), Barbe-Noire (Robert Newton dans Barbe-Noire, le pirate/Black-Beard the Pirate, 1952) incarneront à l’écran ces jusqu’au-boutistes incapables de modifier leurs trajectoires sanglantes et funestes. Dix-huit années plus tard, Arthur Penn filmera une séquence quasi-identique dans Bonnie and Clyde. Deux autres amants en cavale périront sous les rafales des mitraillettes de la police embusquée derrière un bosquet.  






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