dimanche 12 février 2017

L'arbre du pendu chez Budd Boetticher



Réalisé entre Le Courrier de l’or (Westbound, 1959) et Comanche Station en 1960, la Chevauchée de la vengeance (Ride Lonesome, 1959) est l’avant-dernière collaboration entre Budd Boetticher et son acteur fétiche Randolph Scott. Ancien shérif reconverti en chasseur de primes, Ben Brigade (Randolph Scott) capture Billy Jones (James Best), le frère de Frank Jones (Lee Van Cleef). Billy doit servir d’appât pour attirer son frère dans cette clairière au sol rocailleux, délimitée par une rangée d’arbres s’apparentant à une arène propice au règlement de compte final. Frank a naguère pendu la femme de Ben au même arbre mort que celui qui sert désormais de potence pour Billy. Le visage impassible et minéral de Ben armé de sa Winchester, cache une volonté farouche d’assouvir sa vengeance. C’est un homme meurtri, fracturé et dévasté par le meurtre de sa femme. De retour sur les lieux du crime, il veut se libérer de sa haine et exorciser ses démons intérieurs. Le sort de Billy ne l’intéresse pas. La corde au cou, celui-ci vit néanmoins une situation quelque peu délicate. La pendaison est une figure récurrente du western : L’Étrange incident (The Ox-Bow Incident, William Wellman, 1943), La Colline des potences (The Hanging Tree, Delmer Daves, 1959), Les Deux cavaliers (Two Rode Together, John Ford, 1961) ou encore Pendez-les haut et court (Hang ‘hem High, Ted Post, 1968) font de la potence la matérialisation de la loi de Lynch, mais surtout des haines et des intolérances vis-à-vis des Indiens, des Noirs, des Mexicains surtout, mais aussi des voleurs de bétail et autres badmen. Mais Ben Brigade n’est pas de cette humanité qui se complait ignominieusement dans ce type d’exécution sommaire. Héros hiératique doté de la morale de celui qui sait que son combat est juste, il attend l’arrivée de Frank et lui règle son compte promptement. Resté seul désormais devant l’arbre qui le domine de toute sa sinistre présence, Ben choisit d’y mettre le feu, moins pour cautériser la blessure béante qui a motivé sa vengeance que pour se purifier de tout ce qu’il a haï profondément en lui : une pulsion de mort dans une stricte application de la loi du talion. Mais le mouvement de grue ascendant de la caméra contribuant à écraser Ben contredit cette catharsis qui devrait lui permettre de se libérer totalement de ses obsessions. Les bras ballants, figé dans ses souvenirs, il regarde tristement la fumée de l’arbre-potence qui s’élève en tournoyant dans le ciel. Et soudain, une tension s’établit entre l’arbre incandescent et Ben. La mort de Franck le met désormais seul face à lui-même et, veuf inconsolé, il ne peut que mourir.


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