La
Zona (Rodrigo Pla/2008) est une cité résidentielle privée très aisée comme
il y en existe des milliers à travers le Mexique. Des villas, des gazons bien
entretenus, de grosses voitures garées devant leurs garages, des rues calmes,
mais sans vie, caractérisent cette urbanizacion
cerrada, cette communauté fermée, repliée sur elle-même et ses certitudes
sociales et financières. On est entre soi, dans un souci d’homogénéité sociale.
Ses habitants fortunés vivent sans aspérités comme anesthésiés par le silence
qui règne et qui enveloppe cet espace urbain idéalisé. Aucun nuage ne vient
perturber ce bel ordonnancement horizontal de maisons sécurisées. Mais tout à
la découverte de ce ghetto doré, la caméra suit les ondulations erratiques du
vol d’un papillon qui nous amènent à découvrir, comme une incongruité, la
présence d’un mur à gauche de l’écran.
Construit à l’arrière d’une haie, ce mur
est surmonté de barbelés, de lignes à haute tension et de projecteurs donnant à
l’ensemble des allures de camp retranché. Haute de plusieurs mètres, cette
balafre architecturale protège la Zona d’une menace extérieure pensée comme
particulièrement dangereuse. Elle est le symptôme et la matérialisation d’une
ségrégation socio-spatiale, révélatrice d’une société brisée, en proie à de
profondes divisions intercommunautaires. C’est donc moins la Zona que l’enceinte
fortifiée l’encerclant qui est le sujet du film. Filmé en contre-plongée, le
mur traduit la peur et la paranoïa qui se sont emparées des esprits d’une
partie de la population ne réalisant pas qu’elle répond à la violence par la
violence.
Puis la caméra effectue un mouvement de grue ascendant pour confirmer
les raisons de cet enfermement volontaire. Au loin, mais pas si loin, s’étend
un chaos urbain. Cet enchevêtrement hétéroclite de maisons s’entassant les unes
à côté des autres renvoie l’image de tous les dysfonctionnements de la société
mexicaine : bidonvilles, violence, drogue, prostitution, extrême pauvreté.
Se dressant comme une discontinuité de l’espace urbain, la fortification
apparaît d’autant plus dérisoire que de l’autre côté, la pression démographique
et l’extension du tissu urbain anarchique menacent de tout submerger sur leur
passage. Deux territoires se tournent le dos, s’ignorent ou feignent de
s’ignorer. La caméra de surveillance n’est pas orientée vers cet entrelacs d’immeubles
à très forte densité, mais scrute à l’intérieur de la Zona les signes d’une
éventuelle intrusion venue de l’extérieur. En regardant le prologue du film, on
ne peut s’empêcher de penser à l’athlète Oscar Pistorius, accusé après une
violente dispute, d’avoir assassiné en 2013, sa compagne dans leur domicile à
Pretoria, la capitale de l’Afrique du Sud. Le couple vivait justement dans une
enclave résidentielle hautement surveillée, la Silver Woods Country Estate, Ce
n’est donc pas du monde extérieur que la violence a surgi, mais bien de l’intérieur
de cet espace emmuré.
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