vendredi 17 décembre 2021

Le xénomorphe chez Jean-Pierre Jeunet


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Manifestement aussi à l'aise dans ses déplacements dans les coursives des astronefs que dans leurs compartiments inondés, le très célèbre xénomorphe montre une fois encore toute son adaptabilité face aux défis qui lui sont posés par des équipages plus ou moins désorientés qui ne cessent de se trouver sur sa route. Dans l'opus 4 de la série, Alien: la Résurrection (Alien: Resurrection, Jean-Pierre Jeunet, 1997), le lieutenant Ripley (ou plutôt son clone[1]) et son équipage tentent – comme ils en ont l'habitude désormais – de fuir ce prédateur ultime tout en cherchant le meilleur moyen pour le détruire[2].  Une fois n'est pas coutume, Ripley et ses compagnons viennent de plonger dans la partie inférieure inondée du vaisseau spatial Auriga en détresse pour rejoindre un ascenseur qui devrait leur permettre de gagner un pont supérieur. Tout en nageant, en se retournant de temps à autre pour scruter leurs arrières, inquiets, ils progressent au milieu des restes de ce qui fut une cuisine (photogramme 1): assiettes, plateaux, mobilier renversé, tout cela git sur le sol ou flotte dans ce milieu liquide coloré de bleu, que réverbère à peine la lumière de quelques néons encore miraculeusement allumés (photogramme 3). Mais leurs regards se figent soudainement en voyant, surgissant de la semi-obscurité aqueuse, deux aliens se diriger vers eux, lancés comme des torpilles, les membres bien alignés contre leurs corps, propulsés par leurs queues puissantes (photogramme 2).  L'irruption vient toujours de l'obscurité et le xénomorphe n'a pas son pareil pour apparaître dans son élément à tout instant. Si l'alien se déplace habituellement sur ses quatre membres, la structure confinée des vaisseaux spatiaux ne lui laisse guère d'espace pour tester sur une longue distance ses capacités de vélocité, alors même qu'il est doté d'un vrai talent d'acrobate puisqu'il est capable de grimper aux murs ou de s'accrocher aux plafonds. Très à l'aise dans les moindres recoins des coursives obscures où son immobilisme est inversement proportionnel à la soudaineté de son attaque, il est aussi doté d'homotypie, se confondant avec son environnement et particulièrement avec les conduits de ventilation. Aussi ne pouvait-il être que totalement ravi et à l'aise dans ce monde sous-marin dans lequel il s'avère être un redoutable nageur, extrêmement mobile, capable de respirer l'oxygène dissout dans l'eau et de se mouvoir cette fois-ci sans grande discrétion, heureux de traquer Ripley, sa meilleure ennemie. Le monstre est désormais proche (photogramme 3). La morphologie biomécanique de cet exterminateur implacable composée d'une tête en forme de dôme, aussi lisse que du verglas, d'une mâchoire d'acier prête à s'ouvrir et d'un corps humanoïde doté dans son dos de quatre appendices en forme de tuyaux, sans parler de sa longue queue déjà citée, est encore plus terrifiante sous l'eau en raison de la fragilité des fuyards qui ne sont pas, eux, dans leur élément naturel. Ralentissant sa course, se repliant sur elle-même, et mue par un instinct féroce, cette masse noire occupe le tiers droit du cadre laissant ainsi assez d'espace à gauche pour lui permettre de se projeter sur sa victime. En dépit du lieu, l'alien ne tue pas pour se nourrir, mais chasse toute forme vivante, autre que la sienne, pour s'en servir comme hôte et permettre ainsi d'assurer sa reproduction. Sous l'eau, alors que les sons sont atténués, la terreur apparaît encore plus inexprimable et redouble davantage encore la citation du premier opus de Ridley Scott, « Dans l'espace personne ne vous entendra crier ».



[1] Ripley s'est suicidée à la fin d'Alien 3 (David Fincher, 1992), pour tuer l'alien qu'elle portait en elle. Des scientifiques décident de la cloner à partir d'échantillons de son ADN pour récupérer le xénomorphe.

[2] C'est le canevas immuable de toute la série mais dont la matrice (Alien, Ridley Scott, 1979) reste indépassable.




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