jeudi 25 mars 2021

La prémonition chez John Carpenter



                                                                     Le 11 septembre 2001 à New-York

Bien avant le 11 septembre 2001, le cinéma américain nous avait habitué à nous faire peur, à nous montrer des images de villes américaines ravagées par des attaques terroristes. Piège de cristal (Die Hard, John Mc Tiernan, 1988), Couvre-feu (The Siege, Edward Zwick, 1998) ou encore Arlington Road (Mark Pellington, 1999) avaient déjà évoqué des ennemis issus de l'extrême-droite ou de l'islam intégriste, des tours qui explosent et des paniques urbaines. Mais ce qu'a fait John Carpenter avec New-York 1997 (Escape from New-York, 1981) est d'une troublante prémonition. Les quatre premiers photogrammes du film montrent l'avion présidentiel Air Force One, détourné par un commando terroriste du Front de libération nationale de l'Amérique, se dirigeant droit vers les gratte-ciels emblématiques de l'île de Manhattan transformée en prison de haute sécurité, un pénitencier à ciel ouvert. Visible sur un écran que regarde le chef de la sécurité Bob Hauk (Lee Van Cleef), l'avion heurte de plein fouet une tour (qui curieusement, ne s'effondre pas), matérialisant ainsi intégralement le fantasme de l'agression aérienne, lointaine résurgence de l'attaque de Pearl Harbor, un type d'attaque qui ne pouvait désormais se dérouler que sur un écran de cinéma, tant la croyance dans la sanctuarisation des États-Unis était partagée par l'immense majorité de la population. Avec les attentats du 11 septembre et la destruction des deux tours du World Trade Center, la réalité rattrape subitement et tragiquement la fiction. Les images impossibles des tours jumelles en flammes « prenaient d'une certaine manière leur origine de manière fantasmatique, dans les œuvres cinématographiques américaines de fiction, (….) c'est-à-dire dans les plus pures productions  d'un imaginaire collectif [1]». Non content d'avoir anticipé cette catastrophe, John Carpenter filme le crash de l'avion présidentiel de la même façon que les deux écrasements du 11 septembre : à travers un écran de télévision. Voir aujourd'hui New-York 1997, c'est fatalement être renvoyé à ces images télévisuelles vues en boucles, pendant des mois, et montrant deux avions se jetant délibérément contre le symbole de la puissance américaine tout en plongeant New-York dans le chaos. Mais en dépit de cette filiation thématique et visuelle, l'acte terroriste de New-York et ses 2977 morts s'inscrivent en faux par rapport aux images de Carpenter qui s'apparentent plutôt à un jeu vidéo de simulation de vol, jeu qui reste in fine une image-spectacle n'offrant qu'une familiarité mystificatrice avec le 11 septembre. Le scénario du film écrit par le réalisateur date de 1974, au moment du scandale du Watergate, mais aucun producteur n'avait voulu miser sur une dystopie aussi apocalyptique. En 1980 et à la suite des succès de Halloween (1978) et de Fog (1980), Carpenter obtient le financement pour tourner New-York 1997. Personne n'imaginait ce qui allait se passer vingt-et-un ans plus tard…..



[1] Mythes et idéologie du cinéma américain de Laurent Aknin, éditions Vendémiaire, 2014, p.9



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