mardi 11 septembre 2018

Le chien chez Ari Folman




L’ouverture du film Valse avec Bachir (Ari Folman, 2008) est terrifiante. Une horde de chiens aux yeux fous et étincelants, traverse en grognant les rues d’une ville aux couleurs de cendres, s’apprêtant à tout moment à sauter à la gorge des rares passants qui ont l’infortune de se trouver sur leur passage. Transformés en redoutables machines à tuer, tous crocs en avant, ils courent en renversant tout ce qui entrave leur trajectoire : chaises, tables, passants. Mis à part le grondement de leurs pattes résonnant sur l’asphalte et le parasitage de leurs grognements déchirant l’environnement urbain, aucun son diégétique ne vient perturber leur progression aussi anxiogène qu’ irrépressible. Le tumulte de cette course folle se répercute dans les rues pour  s’élever dans ce ciel ocre et nuageux qui écrase la cité. Cette menace apparaît d’autant plus inquiétante qu’elle se déroule  dans une ville où la vie quotidienne a encore tous ses droits : badauds, kiosque à journaux, voitures ... Mais le surgissement de cette violence fragilise subitement cette humanité sur laquelle plane le spectre d’un danger mortifère. La panique qui s’empare de la population, et particulièrement de l’homme à terre qui cherche à se protéger, est à la mesure de la peur déclenchée par cette meute sauvage. D’où ces chiens sortent-ils, pourquoi agissent-ils de cette façon ? Nulle information, à ce moment précis, ne permet de le dire. Ce n’est que dans la séquence suivante que nous apprenons qu’il s’agit en fait d’un cauchemar que fait un homme de manière récurrente, un ancien soldat de l’armée israélienne dont le rôle consistait, au cours de l’invasion du Liban en 1982, à abattre tous les chiens qui, par leurs aboiements, pouvaient révéler aux populations des villages la présence des militaires. Les 26 chiens abattus hantent désormais la mémoire du soldat et servent de point de départ à la propre réflexion de l’auteur Ari Folman qui, à l’instar du premier soldat israélien, va être amené à fouiller ses souvenirs pour remettre au jour sa participation à la guerre et à ce qu’il a fait pendant les massacres des camps palestiniens de Sabra et de Chatila dans une banlieue de Beyrouth-Ouest, du 16 au 18 septembre 1982. Le choix de l’animation et cette mise à distance entre ce que dit ce questionnement et sa représentation graphique illustrent une fêlure intérieure qui fait de Valse avec Bachir un témoignage unique en son genre.



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