L’ouverture
du film Valse avec Bachir (Ari
Folman, 2008) est terrifiante. Une horde de chiens aux yeux fous et étincelants,
traverse en grognant les rues d’une ville aux couleurs de cendres, s’apprêtant
à tout moment à sauter à la gorge des rares passants qui ont l’infortune de se
trouver sur leur passage. Transformés en redoutables machines à tuer, tous
crocs en avant, ils courent en renversant tout ce qui entrave leur
trajectoire : chaises, tables, passants. Mis à part le grondement de leurs
pattes résonnant sur l’asphalte et le parasitage de leurs grognements déchirant
l’environnement urbain, aucun son diégétique ne vient perturber leur progression
aussi anxiogène qu’ irrépressible. Le tumulte de cette course folle se
répercute dans les rues pour s’élever
dans ce ciel ocre et nuageux qui écrase la cité. Cette menace apparaît d’autant
plus inquiétante qu’elle se déroule dans
une ville où la vie quotidienne a encore tous ses droits : badauds, kiosque
à journaux, voitures ... Mais le surgissement de cette violence fragilise
subitement cette humanité sur laquelle plane le spectre d’un danger mortifère. La
panique qui s’empare de la population, et particulièrement de l’homme à terre
qui cherche à se protéger, est à la mesure de la peur déclenchée par cette
meute sauvage. D’où ces chiens sortent-ils, pourquoi agissent-ils de cette façon
? Nulle information, à ce moment précis, ne permet de le dire. Ce n’est que
dans la séquence suivante que nous apprenons qu’il s’agit en fait d’un
cauchemar que fait un homme de manière récurrente, un ancien soldat de l’armée
israélienne dont le rôle consistait, au cours de l’invasion du Liban en 1982, à
abattre tous les chiens qui, par leurs aboiements, pouvaient révéler aux
populations des villages la présence des militaires. Les 26 chiens abattus
hantent désormais la mémoire du soldat et servent de point de départ à la
propre réflexion de l’auteur Ari Folman qui, à l’instar du premier soldat israélien,
va être amené à fouiller ses souvenirs pour remettre au jour sa participation à
la guerre et à ce qu’il a fait pendant les massacres des camps palestiniens de
Sabra et de Chatila dans une banlieue de Beyrouth-Ouest, du 16 au 18 septembre
1982. Le choix de l’animation et cette mise à distance entre ce que dit ce
questionnement et sa représentation graphique illustrent une fêlure intérieure
qui fait de Valse avec Bachir un
témoignage unique en son genre.
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