La
Maison des otages (Desperate
hours/1990) n’est pas le film le plus réussi de Michael Cimino : il
n’avait plus les coudées franches depuis l’échec de La Porte du Paradis (Heaven’s
Gate/1980) et poursuivait sa descente aux enfers, quand le producteur Dino De
Laurentiis lui confia la direction de ce film, remake du film éponyme de 1955
réalisé par William Wyler avec Humphrey Bogart. Mais La Maison des otages comporte certaines fulgurances qui rappellent
le sens de l’espace et de la dramaturgie du réalisateur. Albert (David Morse) a
participé à une prise d’otages dans une maison sous les ordres de Michael
Bosworth (Mickey Rourke survolté). Lassé d’attendre la maîtresse et avocate de
son boss, il décide de quitter les lieux et de s’enfuir. Mais la police lance une
chasse à l’homme qui va se terminer au fond d’un canyon, parmi des chevaux
sauvages, témoins impassibles de la tragédie qui est en train de se nouer. Coincé
entre deux falaises menaçantes de couleur ocre, Albert court désespérément, la
peur au ventre, les pieds dans l’eau d’une rivière. Sa démarche est chaotique,
lourde et gauche. En équilibre instable, menaçant de tomber à tout moment, il
se dirige vers le point de fuite (qui n’a jamais aussi bien porté son nom) de
l’espace triangulaire composé par le cours d’eau et les cailloux qui tapissent
le fond du canyon et qui préfigure la nasse dans laquelle il va se jeter.
Le
plan suivant le retrouve immobile, de l’eau jusqu’aux genoux, au milieu dudit
troupeau. Il tient son pistolet dans la main droite, du sang coule sur son
flanc gauche et, narguant les agents du FBI qui l’encerclent, il commence à
siffloter l’air de Red River Valley. Albert est vu à travers la mire d’un fusil
à lunettes, d’autant plus nettement que les chevaux s’éloignent en créant un
vide autour de lui. Au milieu d’une nature plus grande que les hommes qui la
peuplent, Albert est figé dans un silence que seuls son sifflotement et les ordres
donnés par un policier de déposer son arme viennent troubler. Sans un regard
pour ses poursuivants qui surplombent son destin, Albert a choisi d’arrêter sa
course pour mourir dans cette rivière transformée en tombeau. Mais le montage
de Michael Cimino, en opposant les regards durs et fermés des policiers
surarmés et militarisés au visage serein et apaisé d’Albert, donne à ce
dernier, subitement et en contrepoint, une dimension tragique et émotionnelle pour
laquelle le spectateur ne peut ressentir que de l’empathie. Albert est à ce
moment-là en harmonie avec l’espace qui
l’entoure, et retrouve pour quelques instants, lui, le kidnappeur faible
d’esprit sous la coupe de son patron, son humanité et son identité. Le moment
est d’un lyrisme absolu.
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