jeudi 4 août 2016

Le mercenaire chez Edward Dmytryk


Ces trois plans issus de L’Homme aux colts d’or (Warlock, Edward Dmytryck/1959) font partie d’une séquence d’une puissance particulièrement expressive opposant un prévôt, Clay Blaisedell (Henry Fonda, à son meilleur), engagé par le comité de la ville de Warlock pour mettre fin à la terreur et au désordre que fait régner une bande de malfrats dirigée par Abe McQuown (Tom Drake, troisième photogramme à droite). Venue se désaltérer dans un saloon, ladite bande est confrontée pour la première fois à Clay Blaisedell. Face à elle, celui-ci lui intime l’ordre de ne plus entrer l’arme au poing pour  causer des troubles dans la ville sous peine d’arrestation. Comme aujourd’hui pour tous les excités du colt ou du lance-roquettes affiliés à la NRA, cette menace a l’effet d’un électrochoc, pire, d’un crime de lèse-majesté. 



Tout sépare Blaisedell des outlaws. Sur le premier photogramme, trois plans découpent l’espace en suivant une diagonale qui part de Clay Blaisedell jusqu’à Tom Morgan (Anthony Quinn, au fond, flou) en passant par un homme armé d’un fusil à canon double (et qui peut donc «éparpiller façon puzzle» tous les infortunés consommateurs présents),  assis sur une chaise haute derrière lui. Tous les deux protègent les arrières de Clay et sont habillés  de la même façon élégante que celui-ci, ce qui contribue à accentuer leur connivence. En effet, tous les trois sont  revêtus de leur plus beau costume, d’une lavallière ou cravate ascot au cou et pour le prévôt, une montre gousset est glissée dans une petite poche du gilet prévue à cet usage.  Solidement campé sur ses deux jambes, droit et hiératique, Clay Blaisedell affronte successivement Curley Burne (DeForest Kelly, photogramme 2) et Billy Gannon (Frank Gorshin, à gauche sur le photogramme 3).  Ces derniers portent des vêtements de cowboy; stetsons vissés sur les crânes, vestes en jean et gilets en cuir, colts prêts à être dégainés. Tous ces attributs  renvoient ces suppôts au service d’Abe McQuown, despote et gros éleveur de chevaux de la région.



Avec une maîtrise naturelle, Clay Blaisedell, sans tirer un coup de feu, irradie le saloon de son autorité et impose l’ordre face à la bande qui se révèle impuissante à endiguer la puissance de son verbe et la rapidité de son colt. La tension atteint à ce moment son paroxysme et ses mots résonnent dans un silence de mort. Cette figure du sauveur ne s’apparente en rien au défenseur de la loi incarné par John T. Chance (John Wayne) dans Rio Bravo tourné la même année par Howard Hawks. En dépit d’une intégrité personnelle et d’un code de l’honneur sans faille, Clay Blaisedell est un mercenaire qui loue ses services à qui veut l’employer et qui ne représente que lui-même. Ce tueur qui n’agit que sur contrat ne doit son existence qu’à la présence de tous les McQuown de l’Ouest américain. Il est, de ce fait, condamné à errer sur les pistes à la recherche de nouvelles villes à pacifier. La figure mythique du justicier incarnant la loi et la justice au service d’un état de droit est donc ici retournée au profit d’un personnage beaucoup plus ambigu que d’habitude. L’Homme aux colts d’or est une très grande réussite.

La séquence, malheureusement en français :

La présentation du film par Patrick Brion :




         Clay Blaisedell (Henry Fonda)


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