lundi 16 mai 2016

Les Amérindiens chez Michael Mann


Les vingt dernières minutes du Dernier des Mohicans (Last of the Mohicans de Michael Mann, 1992) sont d’un lyrisme absolu. Le Mohican Chingachgook  (Russell Means), est face au Huron Magua  (Wes Studi). Ce dernier vient de tuer Uncas (Eric Schweig), le fils de Chingachgook. Après une lutte aussi brève que violente, Chingachgook s’apprête à porter le coup de grâce. La tension est à son comble, les deux hommes se regardent, figés, un court instant. Magua est déjà en équilibre instable à la suite des coups reçus et son  sort  est scellé. Il se retrouve sans arme, face au redoutable casse-tête en forme de crosse de fusil que tient à deux mains le Mohican. La séquence a été tournée en Caroline du Nord, dans les Appalaches et au cœur du Chimney Rock Park. Les deux adversaires sont, entre ciel et montagne, sur un chemin escarpé qui longe une falaise aux parois vertigineuses d’un côté et un précipice de l’autre. La géographie de cet espace enferme les deux guerriers dans une lutte à mort, et la beauté du lieu associée à la violence de la confrontation crée une dichotomie encore renforcée par le lyrisme de la musique composée par Trevor Jones et Randy Edelman. L’absence de paroles donne à l’image une amplitude que magnifie l’écran large. Jusque-là tout en mouvement, cette séquence marque ici une respiration silencieuse, vierge, pendant quelques secondes, de tout geste et de tout cri. Né en 1939 et décédé en 2012, Russell Means était un activiste Sioux Lakota qui a été de toutes les luttes menées depuis les années 60, par l’American Indian Movement pour une meilleure reconnaissance des droits des Amérindiens aux États-Unis. Wes Studi, quant à lui, est né en 1947 dans la tribu des Cherokee. Moins politisé que Means, il marque de sa démarche féline  et de son visage taillé à la serpe de nombreux films; Danse avec les loups de Kevin Costner (1990), Geronimo; une légende américaine de Walter Hill (1993), Heat de Michael Mann (1994), Le Nouveau Monde de Terence Mallick (2005), Avatar de James Cameron (2008). Plus question, désormais, d’employer des acteurs blancs pour incarner des Indiens à l’écran. Little Big Man d’Arthur Penn (1970) avait déjà ouvert une brèche en donnant un rôle de vieux chef cheyenne à Chief Dan George (membre de la tribu Tsleil-Waututh de Colombie-Britannique au Canada) et Danse avec les loups de Kevin Costner (1990) enfonce définitivement le clou en  traduisant, à l’aide de sous-titres, la langue lakota parlée par d’authentiques Amérindiens. Il est regrettable que l’immense talent de Wes Studi ne soit pas davantage exploité par les producteurs et les metteurs en scène qui le cantonnent encore trop souvent et exclusivement dans des rôles d’Indiens.



                                                                             Wes Studi


                                                         Russel Means et Daniel Day-Lewis


2 commentaires:

  1. Joli texte et belle découverte que votre blog :)

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    1. Bonjour Félix,
      Je viens seulement de voir votre commentaire. Merci pour vos encouragements.
      Hubert

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