jeudi 8 mars 2018

Le cadre dans le cadre chez Budd Boetticher



Un cadre dans le cadre permet d’orienter le regard du spectateur. Ici, les pattes avant et arrière ainsi que le flanc du cheval guident notre vision et notre concentration, tout en donnant plus de profondeur à l’image et à sa dramaturgie. Jefferson Cody (Randolph Scott) est penché sur le corps inerte de Dobie (Richard Rust), abattu par son comparse, Ben Lane (Claude Akins), au cours d’une chevauchée dans les espaces désertiques de l’Ouest américain. En dépit de l’écran large, l’espace est  découpé de manière précise : la fenêtre qui s’ouvre sous le flanc de l’animal désigne ce qui doit être vu, en individualisant Jefferson Cody dans un fragment d’espace qui exclut la cavalière ( (Nancy Gates), à gauche de l’écran. La jambe de Dobie et son pied encore coincé dans l’étrier forment une diagonale qui perturbe à peine notre regard, permettant au contraire de resserer davantage notre attention sur la compassion qu’éprouve Jefferson Cody à l’égard de l’infortuné cavalier. Le corps de ce dernier apparaît désarticulé, et témoigne de la violence de l‘affrontement qui a eu lieu quelques instants auparavant. La dimension du cheval qui occupe une grande partie du champ, et les deux hommes derrière lui, aimantent par conséquent fortement notre regard. Tout est donc cinéma dans ce photogramme : le cadre de l’image redoublé par le recadrage qui circonscrit l’action. Le corps prostré et la main gauche de Cody touchant l’épaule droite de Dobie montre bien l’empathie qu’il éprouve pour celui qui a fait le mauvais choix en s’associant à Ben Lane. Cet instant de recueillement, forcément fugitif, est une respiration qui, en dépit de l’immobilité de Cody et de Dobie, dégage une force et une tension. Cette dynamique tient à la relation  qui existe entre ce que nous savons de Cody (il cherche sa femme enlevée depuis dix ans par les Comanches ) et le danger qu’il court désormais, puisqu’il reste seul face à Ben Lane. Cette composition formelle, extraite de Comanche Station, permet à Budd Boetticher d’imprimer sa marque dans la mise en scène westernienne. Le film est le dernier du cycle de sept westerns que Budd Boetticher tourna avec Randolph Scott. De Sept hommes à abattre (Seven Men from Now, 1956) à Comanche Station (1960) en passant par L’Homme de l’Arizona (The Tall T, 1957) ou encore La Chevauchée de la vengeance (Ride Lonesome, 1959), Budd Boetticher par son sens de l’épure et du cadrage, a marqué de manière indélébile, aux côtés de John Ford et Anthony Mann, , l’univers du western.



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