Dans Quand
les tambours s’arrêteront (Apache
Drums d’Hugo Fregonese/1951), les survivants de la population d’une petite
ville, Spanish Boot, se sont réfugiés dans une église encerclée par les Apaches
Mescaleros, alors qu’à l’extérieur, les flammes ravagent la ville. Le thème du
siège est une figure récurrente du western. En 1939, John Ford avait
immortalisé dans La Chevauchée
fantastique (Stagecoach), un îlot
de civilisation (une diligence) devant faire face aux assauts des cavaliers
apaches. En 1950, Robert Wise dans Les
Rebelles de Fort Thorn (Two Flags
West de) réconciliait Nordistes et Sudistes, faisant cause commune à
l’intérieur d’un fort face aux coups de boutoir des Indiens, ou encore en 1953,
John Sturges dans Fort Bravo, décrivait
un groupe de soldats se retrouvant en plein désert encerclé par des Mescaleros
(toujours eux !). Mais le traitement du sujet est radicalement différent chez Hugo
Fregonese. Joe Madden (Willard Parker) et Sally (Coleen Gray) font partie de
cette communauté prête à défendre âprement sa vie. Protégé pour l’instant par
les hauts murs de l’église, Joe contemple, à travers les ouvertures pratiquées
dans les façades comme autant de portes ouvertes sur l’enfer, les lueurs
rougeoyantes de l’incendie qui détruit, hors-champ, la ville. C’est par ces
trouées que surgissent, à intervalles réguliers, les guerriers apaches prêts à
se jeter, telles des créatures infernales, sur leurs proies. Filmée en
contre-plongée, l’image permet d’accentuer l’enfermement des personnages :
les murs en adobe, particulièrement épais, rendent impossible l’incendie de
l’église, et le plafond très haut, soutenu par une charpente, offre une
protection provisoire aux infortunés assiégés. Le tout contribue à l’oppression
des protagonistes en accentuant les ombres qui ont envahi la salle depuis peu.
Seules deux sources de lumière viennent éclairer la scène : les bougies à
gauche, fixées sur le pied d’un banc renversé, illuminent d’une lueur spectrale
la petite portion d’un mur et surtout, les éclairs rouges flamboyant à travers
les trois fenêtres en hauteur, permettent d’imaginer l’incendie qui fait rage à
l’extérieur. Ce champ chromatique contribue à l’atmosphère fantasmagorique de
la séquence. Les Indiens, bien présents, restent pour le moment invisibles, mais
peuvent à tout moment surgir en hurlant et en faisant chanter leurs tomahawks.
La menace indiscernable et palpable se lit sur les visages de Joe et de Sally,
alors que le son des tambours envahit progressivement l’espace sonore. Cette
économie de moyens, pour traduire la peur et l’anxiété, renvoie à l’univers des
films fantastiques. Rien d’étonnant lorsque l’on sait que le film a été produit
par Val Lewton, le producteur des films de Jacques Tourneur comme La Féline (Cat People/1942), L’Homme-léopard
(The Leopard Man/1943) ou encore Vaudou (I walked with a Zombie/1943). Ces films à petits budgets
compensaient le manque de moyens par des choix de mise en scène privilégiant le
hors-champ, les ombres et la lumière directement inspirés de l’expressionnisme
allemand des années 20. L’utilisation de cette esthétique dans Quand les tambours s’arrêteront donne à
ce magnifique film toute son originalité.
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