Les derniers plans du film Les Collines de la terreur (très mauvaise traduction de Chato’s Land de Michael Winner/1972)
offrent une dichotomie saisissante : d’une part, un espace ouvert, le
désert, inhospitalier et hostile, avec toute son âpreté, sa luminosité
aveuglante, ses roches érodées par le vent, son sable brûlant et, d’autre part,
l’impression d’étouffement et de claustrophobie qui se dégage de la scène. Un
métis, Chato (Charles Bronson plus mutique que jamais), se trouve face au
dernier survivant d’un posse, composé
à l’origine de 13 hommes, qui s’était lancé à sa poursuite après qu’il eut
commis un crime en état de légitime défense. Mais rapidement, les chasseurs
vont se transformer en gibier. Éliminés les uns après les autres, autant par le
désert (le pays de Chato pour paraphraser le titre) que par les pièges que leur
tend le métis, ces hommes matérialisent l’intervention américaine au Vietnam,
particulièrement lorsque l’un d’entre eux dit « mais bon sang, qu’est-ce qu’on est venu faire ici ? ». Cet
environnement, aride et répulsif, leur est totalement inconnu alors que Chato
fait corps avec lui, sillonnant les yeux fermés les arroyos asséchés, les
collines rocheuses, ou encore ces vallées couvertes de sable à perte de vue et
tapissées d’une végétation discontinue d’espèces buissonnantes. C’est ce
territoire que Chato défend : il en est autant l’émanation que le gardien,
il n’attend rien de lui, ne le cultive pas, mais en fait partie intégrante. Quasiment
nu, à l’exception d’un pagne et de bottes montantes, nullement incommodé par la
chaleur écrasante et étouffante, il se confond avec l’austérité et le
dépouillement du désert. Figé dans son hiératisme et d’un regard impassible et
froid, Chato observe du haut de son cheval l’agonie de Brady Logan (Victor
Young) qui n’a plus que quelques instants à vivre. La faim, la soif, les
serpents à sonnettes et les coyotes finiront par achever la trajectoire
sanglante de cet homme, engagé malgré lui dans cette chevauchée sans retour.
Brady, au bord de la folie, titube, gémit, pleure, tourne en rond, mord la
poussière, cherche à contourner Chato pour finir par revenir sur ses pas et
s’enfoncer dans le néant de cette immensité désertique qui l’absorbe déjà. La
caméra, en plongée, adopte le point de vue du vautour (omniprésent dans tout le
film) qui va fondre sur sa proie. Son œil embrasse d’un coup, le chasseur et sa
victime, silhouettes renvoyées à elles-mêmes, perdues dans cette terre
silencieuse et sans limites.
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