mardi 27 juin 2017

La terre chez Michael Winner



Les derniers plans du film Les Collines de la terreur (très mauvaise traduction de Chato’s Land de Michael Winner/1972) offrent une dichotomie saisissante : d’une part, un espace ouvert, le désert, inhospitalier et hostile, avec toute son âpreté, sa luminosité aveuglante, ses roches érodées par le vent, son sable brûlant et, d’autre part, l’impression d’étouffement et de claustrophobie qui se dégage de la scène. Un métis, Chato (Charles Bronson plus mutique que jamais), se trouve face au dernier survivant d’un posse, composé à l’origine de 13 hommes, qui s’était lancé à sa poursuite après qu’il eut commis un crime en état de légitime défense. Mais rapidement, les chasseurs vont se transformer en gibier. Éliminés les uns après les autres, autant par le désert (le pays de Chato pour paraphraser le titre) que par les pièges que leur tend le métis, ces hommes matérialisent l’intervention américaine au Vietnam, particulièrement lorsque l’un d’entre eux dit « mais bon sang, qu’est-ce qu’on est venu faire ici ? ». Cet environnement, aride et répulsif, leur est totalement inconnu alors que Chato fait corps avec lui, sillonnant les yeux fermés les arroyos asséchés, les collines rocheuses, ou encore ces vallées couvertes de sable à perte de vue et tapissées d’une végétation discontinue d’espèces buissonnantes. C’est ce territoire que Chato défend : il en est autant l’émanation que le gardien, il n’attend rien de lui, ne le cultive pas, mais en fait partie intégrante. Quasiment nu, à l’exception d’un pagne et de bottes montantes, nullement incommodé par la chaleur écrasante et étouffante, il se confond avec l’austérité et le dépouillement du désert. Figé dans son hiératisme et d’un regard impassible et froid, Chato observe du haut de son cheval l’agonie de Brady Logan (Victor Young) qui n’a plus que quelques instants à vivre. La faim, la soif, les serpents à sonnettes et les coyotes finiront par achever la trajectoire sanglante de cet homme, engagé malgré lui dans cette chevauchée sans retour. Brady, au bord de la folie, titube, gémit, pleure, tourne en rond, mord la poussière, cherche à contourner Chato pour finir par revenir sur ses pas et s’enfoncer dans le néant de cette immensité désertique qui l’absorbe déjà. La caméra, en plongée, adopte le point de vue du vautour (omniprésent dans tout le film) qui va fondre sur sa proie. Son œil embrasse d’un coup, le chasseur et sa victime, silhouettes renvoyées à elles-mêmes, perdues dans cette terre silencieuse et sans limites. 


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