lundi 26 septembre 2016

La montre de gousset chez Henry King


Les Bravados (The Bravados, 1958) est un film de Henry King qui a l’âpreté des westerns d’Anthony Mann. Gregory Peck incarne Jim Douglas, un homme lancé à la poursuite d’une bande de malfrats qu’il juge responsable du viol et du meurtre de son épouse. La traque le mène sur les traces du premier outlaw, Alfonso Parral (Lee Van Cleef) resté en arrière pour couvrir la fuite de ses comparses. Caché dans des herbes hautes, Alfonso scrute ses poursuivants bien décidé à abattre Jim Douglas quand celui-ci, après l’avoir contourné le surprend par derrière. Dans le champ-contrechamp tendu à l’extrême, Jim domine son adversaire de toute sa stature. Encadré par des hautes herbes desséchées, et se découpant dans le ciel d’un bleu immaculé, Jim incarne à ce moment le bras armé d’une vengeance primitive et expéditive. Dans une rage à peine contenue, il sort, de sa main gauche, une montre de gousset et l’ouvre pour offrir à la vue d’un Parral terrorisé et tremblant, une photographie de son épouse. Le visage du chasseur est glacial et toute son attitude, raidie par le désir de mort, traduit l’impitoyable but qu’il s’est assigné : être le juge, le jury et l’exécuteur des basses œuvres  de sa propre vision du monde, et accessoirement d’une société et d’un ordre incapables de rendre, de manière légale, la justice. La montre est donc l’objet qui matérialise la vengeance aveugle qui anime sa quête. Cet homme, s’arrogeant tous les pouvoirs est une figure récurrente et un code du western. De Winchester 73 (Anthony Mann/1950) à The Salvation (Kristian Levring, 2014) en passant par Rancho Notorious (L’Ange des maudits, Fritz Lang, 1952) ou One-Eyed Jacks (La Vengeance aux deux visages, Marlon Brando, 1961), le genre est traversé par la figure omnipotente du justicier qui n’a de compte à rendre qu’à lui-même. Dans cet Ouest encore sauvage, les comptes se règlent encore individuellement.



Face à Jim Douglas et filmé en plongée, Alfonso Parral est un fugitif à genoux, implorant la clémence de son bourreau.  Toute son attitude, à l’opposé de celle de Jim, préfigure sa mort. Les traits révulsés et tremblants de son visage, sa véhémence à affirmer ne pas connaître la jeune femme sur la photographie, son ton suppliant, rien n’y fait. Alfonso Parral meurt hors-champ au milieu de ces herbes jaunies par le soleil et sur ce sol qui s’est dérobé sous ses pieds. Concernant Lee Van Cleef, il est assez délicieux de penser que cette séquence est le miroir inversé et donc l’exact contrepied d’une autre séquence tirée du film de Sergio Leone, Et pour quelques dollars de plus (1965). Il y interprète cette fois un chasseur, également mu par la vengeance, le colonel Mortimer, à la poursuite d’un dangereux criminel mexicain, El Indio (Gian Maria Volonte). Le lien qui unit les deux hommes est la montre de gousset que sort régulièrement El Indio et de laquelle une petite musique s’échappe. Or, cet objet contient également la photo d’une jeune fille, mais il ne s’agit pas cette fois-ci de la femme, mais de la sœur du colonel Mortimer, violée par El Indio quelques années auparavant. Conservée par le bandit après le suicide de la jeune fille, cette montre servira, comme dans Les Bravados, de fil conducteur à l’intrigue et à l’accomplissement de la vengeance.


La montre de gousset du colonel Mortimer ......


.... tenue par El Indio (Gian Maria Volonte)




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