mardi 7 juin 2016

La mort du Duke chez Mark Rydell



Rares sont les films dans lesquels meurt John Wayne, dit le Duke. Iwo-Jima d’Allan Dwan (1949), Alamo du même John Wayne (1960) et Le Dernier des géants de Donald Siegel (1976) osent l’impensable. Mais si, dans les trois cas précités, le Duke meurt les armes à la main, nimbé d’une gloire post-mortem, dans Les Cowboys (1972), Mark Rydell va encore plus loin puisque Will Andersen (John Wayne, toujours lui) est abattu de sang-froid, dans le dos, par une sinistre et flamboyante crapule, Asa «Long hair» Watts (Bruce Dern, grandiose).
Will Andersen, interprété par un John Wayne vieilli, veut convoyer une dernière fois un troupeau de plusieurs centaines de bêtes à travers les Grandes Plaines de l’Ouest américain. Dans l’impossibilité de trouver  des cowboys pour le seconder dans sa tâche (ils sont tous préoccupés par une ruée vers l’or voisine), il se résout à embaucher de  jeunes garçons pour affronter les périls qui se trouvent sur leur route. Un de ces périls est incarnée par l’apparition d’une bande d’outlaws, menée par Asa « Long hair» Watts, qui s’intéresse de près au troupeau ………. Cette bande finit par surgir hors de la nuit pour encercler Will, les enfants et le troupeau.
La séquence est terrifiante de violence et marque d’un fer rouge le western crépusculaire qui avait déjà annoncé depuis les années 60 que les héros étaient mortels. Les deux hommes s’affrontent d’abord à coups de poings. Le combat est âpre, sans pitié. La séquence est filmée de manière extrêmement réaliste avec une caméra qui cadre au plus près les deux protagonistes. Seuls les souffles courts et rauques de chacun et l’éclat des coups portés transpercent le silence environnant. Le sang coule de part et d’autre mais en dépit des coups reçus, Will parvient à terrasser son adversaire. À terre, le visage ensanglanté, «Long hair» se relève péniblement, dégaine un colt du holster d’un de ses compagnons et met en joue Will qui lui tourne le dos. Commence alors pour ce dernier une lente agonie, tragique et sans concession. Cinq coups de feu plus tard, Will Andersen gît sur le sol, les bras en croix.

Tournée entre Big Jake (George Sherman, 1971) et Les Voleurs de trains (Burt Kennedy, 1973), dans lesquels John Wayne incarne le défenseur de la veuve et de l’orphelin, image constitutive de celle du représentant de la loi  et de l’ordre qu’il a acquise tout au long de sa carrière et qui a fait de lui un véritable mythe, cette séquence mortuaire fait du Duke un personnage d’une grande vulnérabilité que seul Donald Siegel dans Le Dernier des géants après Mark Rydell, saura traduire sur un écran. Will Andersen meurt courageusement, de manière héroïque, comme il a vécu, avec le mépris pour «Long hair» à la bouche. Mais cette mort ne sera pas vaine, puisqu’elle permettra aux enfants, spectateurs impuissants et tétanisés devant cette mise à mort, de recueillir l’héritage «paternel» et de lui rendre justice. Les Cowboys est avant tout un film sur la filiation et sur la transmission. En ce sens, Will Andersen, qui a perdu ses deux enfants trop tôt, reportera son amour paternel brisé sur ces jeunes garçons qui, au contact de l’adversité, sauront prendre leur destin en main.



     Bruce Dern


John Wayne et ses cowboys




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