Tod Lohman (Don Murray), un cowboy en apparence
tranquille, vient de s'arrêter au bord d'une rivière pour laisser son cheval se
désaltérer. Cette scène archétypique du western suspend l'action, imprime une
ponctuation dans la narration et surtout autorise l'œil du spectateur à
vagabonder dans le cadre magnifié par le plan de grand ensemble du film La Fureur des hommes (From Hell to Texas, Henry Hathaway,
1958). La superposition de l'eau au premier plan, de la plaine desséchée brisée
par une colline au second plan et du massif montagneux à l'arrière-plan, donne
à voir un espace dans lequel dominent les lignes horizontales, espace paisible
à peine perturbé par la seule verticale du cadre, un arbre au double tronc.
Tout est calme, trop calme dans cet espace figé. L'unique signe d'une angoisse
sourde est le cheval qui boite. Un hennissement se fait alors entendre
hors-champ permettant d'introduire le contrechamp. Deux cavaliers surgissent de
derrière une colline recouverte de chapparal[1].
D'emblée, ils apparaissent menaçants et animés par des intentions inavouables.
Dans l'iconographie du western, ils sont représentés de la même manière que les
Indiens jaillissant de nulle part au sommet d'une éminence, prélude au
lancement d'une attaque forcément fatale. Les nuages dans le dos des cavaliers
matérialisent justement la prémonition de la violence à venir, violence qui doit
inévitablement se diriger vers celui qui apparaît alors comme un fuyard, un
gibier traqué de manière impitoyable. En quelques plans, Henry Hathaway fixe la
dramaturgie du film. Qui est Tod Lohman ? Qu'a-t-il fait pour être ainsi
pourchassé ? Qui sont les hommes lancés à sa recherche ? La tension entre ces
deux pôles crée le suspense et relance la narration, d'autant plus que la fuite
de Tod apparaît vaine dans cet immense espace. Rigoureuse et dépouillée, la
mise en scène de Henry Hathaway respecte l'unité de temps, de lieu et d'action
ordonnée autour d'une fatalité tragique poussant Tod à fuir un passé dont nous
ne savons encore rien à ce moment précis. Cette chasse à l'homme est un thème
constitutif du genre. De Winchester 73
(Anthony Mann, 1950) à Josey Wales,
hors-la-loi (The Outlaw Josey Wales,
Clint Eastwood, 1976) en passant par L'Ange
des maudits (Rancho Notorious,
Fritz Lang, 1952) ou encore Bravados
(The Bravados, Henry King, 1958), elle
est le révélateur des passions humaines qui irriguent la saga du vieil Ouest.
Véritable obsession du cinéma de Henry Hathaway, cette variation primitive de
la justice vengeresse se retrouvera à nouveau dans La Conquête de l'Ouest (How
the West was won, 1962), Nevada Smith (1966), Cinq cartes à abattre (Five
Card Stud, 1968) et le très décevant Quand
siffle la dernière balle (Shoot out, 1971).
[1] Un maquis formé par des buissons et des broussailles.
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