Le plaisir extrême que l'on prend à la vision du
film de Bob Rafelson, Le Facteur sonne
toujours deux fois (The Postman
always rings twice, 1981), tient, bien entendu, au scénario rédigé par
David Mamet d'après le roman éponyme de James M. Cain. Durant la Grande
Dépression, Frank Chambers (Jack Nicholson) erre sur les routes de Californie.
S'étant arrêté pour manger dans une station-service tenue par Nick Papadakis
(John Colicos), il est subjugué par sa femme Cora (Jessica Lange), entre- aperçue
affairée dans la cuisine, et il décide d'accepter le poste de mécanicien que
son mari lui propose. « Son corps mis à part, elle n'était pas d'une
beauté folle, mais elle avait un certain air boudeur et des lèvres qui
avançaient de telle façon que j'ai immédiatement eu envie de les mordre ».
(1) Au contraire de la description de
Cora faite par James M. Cain, Jessica Lange irradie l'écran de sa beauté, une
beauté qui fait faire au cœur un bond jusqu’au fond de la gorge pour mieux
retomber en chute libre et vertigineuse au creux de l'estomac. Visiblement,
Cora produit le même effet sur Frank que sur le spectateur. Avec sa chevelure
blonde ondulée mi-longue, son visage solaire dont les yeux fixent intensément
Frank, sa bouche entrouverte, orgueilleuse et provocante, elle va unir sa
destinée à celle de Frank. Tout les oppose à priori: elle est mariée, attachée
à ce bout de terre, enfermée dans les servitudes domestiques quotidiennes, lui
est un vagabond sans attaches, vivant d'expédients au jour le jour, refusant
les contraintes quelles qu'elles soient. Devenus instantanément amants, ils
vont vivre une relation fusionnelle, pulsionnelle et violente, uniquement
bridée par la présence d'un mari encombrant dont l'élimination apparaîtra
bientôt comme la seule issue possible. Histoire archétypale du trio infernal, Le Facteur sonne toujours deux fois de
Bob Rafelson, remake incandescent de
la précédente version tournée par Tay Garnett en 1946, fait de Cora une femme
fatale dont l'éclat et la grâce masquent mal une part d'ombre criminelle. « Je te veux pour moi, Frank ….. si on n'était
que nous deux …. que toi et moi »
dit-elle en fixant son amant. « Qu'est-ce
que tu veux dire ? » répond Frank. « J'en
ai assez de ce qui est bien ou mal » rétorque-t-elle. « On pend les gens pour cela, Cora » lance Frank, mi-inquiet,
mi-interrogateur. L'engrenage mortel est désormais lancé. À ce moment précis,
ils sont convaincus que leur passion mutuelle est suffisante pour s'affranchir
de la médiocrité sentimentale dans laquelle ils baignaient jusqu'à présent.
Choisissant l'ivresse du corps et l'extase qui l'accompagne plutôt que la
morale, Cora et Frank signent explicitement un contrat de nature faustienne
pour se lancer vers l'abîme, ou plutôt pour voir le monde tel qu'ils se
l'imaginent et dans lequel la liberté de se choisir une autre vie ne serait pas
une idée vaine. Au contraire de Phyllis Dietrichson (Barbara Stanwyck dans Assurance sur la mort/Double Indemnity, Billy Wilder, 1944, une
autre adaptation d'un roman de James M. Cain), nul désir de lucre dans l'esprit
de Cora, mais une soif toujours renouvelée de vivre pleinement avec Frank un
amour qui leur appartient désormais, tout en sachant que le prix à payer sera
élevé.
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