Dans Silverado
(Lawrence Kasdan, 1985), Tyree (Jeff Fahey) est un bad guy de haute volée. Au service de Cobb (Brian Dennehy), un
shériff aussi flamboyant que retors, il incarne un homme de main sans
scrupules, aussi rapide à dégainer qu'impitoyable envers quiconque se met en
travers de son chemin. Pour son premier rôle à l'écran, on ne peut pas dire
qu'il passe inaperçu en volant la vedette à tous les acteurs (Kevin Kline,
Scott Glenn, Kevin Costner ou Danny Glover) qui se trouvent autour de lui. Dans
le saloon de Silverado, qui perd régulièrement une partie de sa clientèle
chaque fois qu'il fait une apparition, Tyree, yeux hallucinés, regard
magnétique et corps nerveux tendu à l'extrême, est toujours prêt à envoyer ad
patres l'infortuné vis-à-vis. Alors qu'il aime manifestement se donner en spectacle,
il est immédiatement habité par une rage doublée d'une jouissance inextinguible
qui menacent d'exploser au moindre éternuement ou raclement de gorge d'un
inconscient tétanisé par la peur. Toujours armé d'une Winchester ou d'un colt,
voire des deux à la fois, Tyree n'envisage la vie que comme un rapport de
force, une confrontation perpétuelle avec l'autre, comme si sa haine du monde
était le moteur de son existence. Il est rancunier, « j'aurais dû te tuer il y a longtemps » dit-il à Paden (Kevin
Kline), un ancien comparse rentré dans le droit chemin, n'aime pas les chiens,
« où est le chien ? » assène-t-il avec
un sourire cruel, de manière péremptoire et énigmatique, encore une fois à
Paden, et reste doté d'une aura maléfique qui en fait le double de son
employeur, le shériff Cobb. Osons une analyse comparée doublée d'une mise en
perspective: Tyree n'est pas cet outlaw de
second rang que l'on peut rencontrer dans Les
Grands espaces (The Big Country,
William Wyler, 1958) ou dans Tombstone
(George Pan Cosmatos, 1993) sous les traits respectivement de Buck Hannassey
(Chuck Connors) et Ike Clanton (Steven Lang), aussi bravaches en groupe que
pleutres isolés, non, Tyree est plutôt de la trempe de Charlie Prince (Ben
Foster dans 3h10 pour Yuma/3:10 to Yuma,
James Mangold, 2007), un ange de la mort brûlant d'un feu intérieur et laissant
derrière lui souffrance et cadavres. Nous sentons chez ces deux personnages une
incapacité congénitale à supplier, à geindre ou à se lamenter du mauvais sort. Au-dessus
du commun des mortels en dépit de leurs névroses obsessionnelles, ils restent néanmoins
des seconds, caractérisés par une esthétique du malaise. Tyree, en particulier,
n'a pas de stature morale, s'accommode avec délice de l'adversité et trouve son
point de cohérence dans l'attitude qu'il donne à voir régulièrement: un monstre
froid et éruptif dont l'arrogance le dispute à la noirceur. La puissance du jeu
de Jeff Fahey donne à son personnage une dimension fascinante qui nous fait
regretter qu'il n'apparaisse pas plus souvent au cours du film.
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