lundi 2 juillet 2018

La présence française au Mexique chez Robert Aldrich



Entre 1861 et 1867, l’empereur Napoléon III, désireux d’étendre l’influence française en Amérique centrale, choisit de faire du Mexique un protectorat en placant à la tête du pays l’archiduc d’Autriche Maximilien de Habsbourg. Napoléon III rêvait d’étendre l’influence de la France en Amérique centrale pour faire pièce à la montée en puissance des États-Unis. Après une campagne militaire victorieuse, les forces françaises s’installèrent dans les grandes villes du pays permettant à Maximilien de devenir empereur du Mexique. Mais cette occupation finit par être rejetée par la population qui se souleva sous la direction de Benito Juarez. Abandonné par Napoléon III, Maximilien fut arrêté, jugé et condamné à mort à Querétaro le 19 juin 1867. La vision hollywoodienne de cet épisode franco-austro-mexicain tragique est l’exacte incarnation des doctrines Monroe (1823) et Roosevelt (1904). Ces deux présidents américains ont respectivement condamné toutes les interventions européennes sur le continent américain et  justifié les volontés expansionnistes des États-Unis tout en faisant de l’Amérique latine une chasse gardée étatsunienne. En effet, dans de nombreux westerns, la présence militaire française au Mexique est toujours associée au mal, à la violence et à la répression. De Major Dundee (Sam Peckinpah, 1965) à Sierra Torride (Two Mules for Sarah, Donald Siegel, 1970) en passant par Les Géants de l’Ouest (The Undefeated, Andrew McLaglen, 1969), les lanciers français sont le bras armé d’une puissance étrangère qui opprime les paysans et qui écrase toutes les velléités révolutionnaires d’une population luttant pour son indépendance et sa liberté. Bien avant tous les films précités, et dynamitant tous les codes du western classique, Vera-Cruz (Robert Aldrich, 1954) est de cette veine-là. Sur le photogramme extrait du film , Jo Erin (Burt Lancaster à gauche), un hors-la-loi fourbe, retors mais séducteur à l’image de son sourire carnassier, et Benjamin Trane (Gary Cooper à droite), un ancien officier de l’armée confédérée, éduqué et polyglotte, encadrent l’empereur Maximilien (George Macready), monarque malin sous un air débonnaire, entouré par une cour qui s’étourdit dans des valses nocturnes alors qu’au-dehors menace la révolution juariste. Animés par l’appât du gain, les deux Américains se mettent au service de l’empereur  pour escorter Marie Duvarre (Denise Darcel), une comtesse française désireuse de revoir Paris. Comme s’ils étaient en terrain conquis, - le Mexique n’étant manifestement que la prolongation des États-Unis - les deux mercenaires évoluent dans ce milieu aristocratique avec aisance alors que la présence de Maximilien et son étiquette européenne semblent totalement incongrues, hors du temps. En effet, Maximilien et son protecteur français représentent cette autocratie qu’Hollywood et les Américains ne veulent pas voir aux portes de la démocratie américaine. Suivant les traces de Monroe et de Roosevelt, Robert Aldrich - et le western américain en général - font de la France une puissance qui menace la zone d’influence que les États-Unis veulent contrôler. Une fois la conquête de leur espace achevée en 1890, les États-Unis, dans leur élan messianique, cherchent à exporter leurs valeurs culturelles et économiques au sud de la frontière. Rien d’étonnant à cela puisque le Mexique et les États-Unis se sont disputés le tracé de leur frontière commune tout au long de la première moitié du XIXe siècle. Du traité d’Adam-Onis (1819) à l’achat Gadsden (1853) (1),  les États-Unis ont fini par imposer, par la guerre ou l’argent, leur vision de l’Histoire en stabilisant la frontière américano-mexicaine  le long du Rio Grande et d’une ligne allant d’El Paso au Texas à San Diego en Californie. Au cinéma, la transgression de cette frontière par les hors-la-loi, les shérifs et même l’armée américaine n’est que la continuité de cet expansionnisme qui ne pouvait s’accomoder de la présence de la France, forcément hostile aux intérêts des États-Unis.

 (1) Le traité d’Adam-Onis fixe en 1819, la frontière entre les États-Unis et la Nouvelle-Espagne le long de la rivière Sabine au Texas jusqu’aux Rocheuses et à l’océan Pacifique, le long du 42e parallèle nord. Après le traité de Guadalupe Hidalgo (1848), le Mexique perd la Californie, le Nevada et l’Utah ainsi qu’une partie de l’Arizona, du Colorado et du Nouveau-Mexique. Enfin, l’achat Gadsden en 1853, permet aux États-Unis d’obtenir le sud de l’Arizona et le sud-ouest du Nouveau-Mexique pour former au nord du Mexique la frontière actuelle.



1 commentaire:

  1. Passionnant, le contexte historique permet de bien comprendre le point de vue du film.
    Ceci dit, je comprends Napoléon III. Moi aussi je veux m'étendre chez les latinos. Je suis le Napoléon napolitain :)

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