Entre
1861 et 1867, l’empereur Napoléon III, désireux d’étendre l’influence française
en Amérique centrale, choisit de faire du Mexique un protectorat en placant à
la tête du pays l’archiduc d’Autriche Maximilien de Habsbourg. Napoléon III
rêvait d’étendre l’influence de la France en Amérique centrale pour faire pièce
à la montée en puissance des États-Unis. Après une campagne militaire
victorieuse, les forces françaises s’installèrent dans les grandes villes du
pays permettant à Maximilien de devenir empereur du Mexique. Mais cette
occupation finit par être rejetée par la population qui se souleva sous la
direction de Benito Juarez. Abandonné par Napoléon III, Maximilien fut arrêté,
jugé et condamné à mort à Querétaro le 19 juin 1867. La vision hollywoodienne
de cet épisode franco-austro-mexicain tragique est l’exacte incarnation des doctrines
Monroe (1823) et Roosevelt (1904). Ces deux présidents américains ont
respectivement condamné toutes les interventions européennes sur le continent
américain et justifié les volontés expansionnistes
des États-Unis tout en faisant de l’Amérique latine une chasse gardée
étatsunienne. En effet, dans de nombreux westerns, la présence militaire
française au Mexique est toujours associée au mal, à la violence et à la
répression. De Major Dundee (Sam
Peckinpah, 1965) à Sierra Torride (Two Mules for Sarah, Donald Siegel,
1970) en passant par Les Géants de
l’Ouest (The Undefeated, Andrew
McLaglen, 1969), les lanciers français sont le bras armé d’une puissance
étrangère qui opprime les paysans et qui écrase toutes les velléités
révolutionnaires d’une population luttant pour son indépendance et sa liberté. Bien
avant tous les films précités, et dynamitant tous les codes du western
classique, Vera-Cruz (Robert Aldrich,
1954) est de cette veine-là. Sur le photogramme extrait du film , Jo Erin (Burt
Lancaster à gauche), un hors-la-loi fourbe, retors mais séducteur à l’image de
son sourire carnassier, et Benjamin Trane (Gary Cooper à droite), un ancien
officier de l’armée confédérée, éduqué et polyglotte, encadrent l’empereur
Maximilien (George Macready), monarque malin sous un air débonnaire, entouré
par une cour qui s’étourdit dans des valses nocturnes alors qu’au-dehors menace
la révolution juariste. Animés par l’appât du gain, les deux Américains se
mettent au service de l’empereur pour
escorter Marie Duvarre (Denise Darcel), une comtesse française désireuse de
revoir Paris. Comme s’ils étaient en terrain conquis, - le Mexique n’étant
manifestement que la prolongation des États-Unis - les deux mercenaires
évoluent dans ce milieu aristocratique avec aisance alors que la présence de
Maximilien et son étiquette européenne semblent totalement incongrues, hors du
temps. En effet, Maximilien et son protecteur français représentent cette
autocratie qu’Hollywood et les Américains ne veulent pas voir aux portes de la
démocratie américaine. Suivant les traces de Monroe et de Roosevelt, Robert
Aldrich - et le western américain en général - font de la France une puissance
qui menace la zone d’influence que les États-Unis veulent contrôler. Une fois
la conquête de leur espace achevée en 1890, les États-Unis, dans leur élan
messianique, cherchent à exporter leurs valeurs culturelles et économiques au
sud de la frontière. Rien d’étonnant à cela puisque le Mexique et les
États-Unis se sont disputés le tracé de leur frontière commune tout au long de
la première moitié du XIXe siècle. Du traité d’Adam-Onis (1819) à l’achat
Gadsden (1853) (1), les États-Unis ont
fini par imposer, par la guerre ou l’argent, leur vision de l’Histoire en
stabilisant la frontière américano-mexicaine le long du Rio Grande et d’une ligne allant
d’El Paso au Texas à San Diego en Californie. Au cinéma, la transgression de cette frontière
par les hors-la-loi, les shérifs et même l’armée américaine n’est que la
continuité de cet expansionnisme qui ne pouvait s’accomoder de la présence de
la France, forcément hostile aux intérêts des États-Unis.
(1) Le traité d’Adam-Onis fixe en 1819, la
frontière entre les États-Unis et la Nouvelle-Espagne le long de la rivière
Sabine au Texas jusqu’aux Rocheuses et à l’océan Pacifique, le long du 42e
parallèle nord. Après le traité de Guadalupe Hidalgo (1848), le Mexique perd la
Californie, le Nevada et l’Utah ainsi qu’une partie de l’Arizona, du Colorado
et du Nouveau-Mexique. Enfin, l’achat Gadsden en 1853, permet aux États-Unis
d’obtenir le sud de l’Arizona et le sud-ouest du Nouveau-Mexique pour former au
nord du Mexique la frontière actuelle.
Passionnant, le contexte historique permet de bien comprendre le point de vue du film.
RépondreEffacerCeci dit, je comprends Napoléon III. Moi aussi je veux m'étendre chez les latinos. Je suis le Napoléon napolitain :)