« Aces full on eights. Just
missed being a dead man’s hand » (« Full
aux as par les 8. J’ai manqué de peu une main de l’homme mort » dit Dutch Henry Brown (Stephen McNally) à Joe Lamont (John
McIntire) dans Winchester 73 (Anthony
Mann, 1950). Au cours d’une partie de poker décisive dont l’enjeu est une arme
à feu, la fameuse Winchester 73, objet de toutes les convoitises, Dutch Henry
Brown pense avoir une main gagnante sous la forme d’un full aux as par les 8.
Déterminé, sûr de remporter la mise, il abat ses cartes devant un Joe Lamont
dont le calme tranche avec le regard fiévreux de Dutch. Un as en moins et Dutch aurait eu « la main de
l’homme mort », une combinaison au poker rendue célèbre parce qu’elle était
celle que tenait Wild Bill Hickok, avant de se faire tuer dans le dos par Jack
McCall dans un saloon de Deadwood (Dakota du Sud), le 2 août 1876. Cette main
était composée d’une double paire d’as par les 8 (aces and eights) de couleur
noire, trèfle ou pique. Le full de Dutch est donc supérieur, ce qui explique
son assurance. Seuls, la quinte flush royale (5 cartes qui se suivent de la
même couleur du dix à l’as), la quinte flush (5 cartes qui se suivent de la
même couleur) et le carré (4 cartes de la même valeur) peuvent battre son full.
« La main de l’homme mort» a dans le western une sinistre réputation
puisqu’elle préfigure toujours la mort violente du joueur, qui peut, certes,
remporter la mise, sans avoir néanmoins le loisir de dépenser, dans des
beuveries diverses, l’argent gagné. Luke Plummer (Tom Tyler) dans La Chevauchée fantastique (Stagecoach, John Ford, 1939) et Liberty
Valance (Lee Marvin) dans
L’Homme qui tua Liberty Valance (The Man who shot Liberty Valance, John
Ford, 1962) avaient cette main avant qu’ils ne mordent la poussière dans les
rues principales de Lordsburg pour le premier et de Shinbone pour le second. Cette
double paire est même le titre éponyme du film de Sam Newfield (Aces and Eights, 1936) au cours duquel
est briévement présentée l’infortune de Wild Bill Hikock qui a eu le tort de
s’asseoir, dos à la porte d’entrée du saloon. Pour un homme habituellement sur
ses gardes, pareille négligence peut apparaître, à priori, comme une
étourderie, à moins d’imaginer, peut-être, un état d’ébriété déjà avancé. La légende
ne dit mot sur cette situation aussi fâcheuse que funeste. Quant à Dutch Henry
Brown, malfrat en fuite, celui-ci n’échappera pas à la malédiction qui entoure
cette combinaison fatale. Sûr de lui, et entouré par ses comparses debouts
derrière lui, Wesley (Steve Brodie) à sa gauche et Wheeler (James Millican) à
sa droite, il semble ne pas attendre la réponse de son adversaire. Pourtant, l’attitude
de Joe Lamont, un trafiquant d’armes
sans scrupule, laisse présager une issue différente de celle escomptée par
Dutch. Revêtu d’un chapeau haut de forme peu usité dans ces régions sauvages de
l’Ouest américain et mâchouillant son cigare d’un air détaché, Joe Lamont n’a
manifestement pas dit son dernier mot.
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