Avec Match
Point (2005) et avant Blue Jasmine
(2012), Woody Allen explore de manière vertigineuse, la noirceur de l’âme
humaine. Chris Wilton (Jonathan Rhys-Meyer) est un professeur de tennis d’origine
modeste qui entre par effraction dans la grande bourgeoisie londonienne, en
épousant Chloé (Emily Mortimer), la fille d’Alec Hewett (Brian Cox), un riche
homme d’affaires ayant pignon sur rue. Arriviste, amoral, cynique et
manipulateur, Chris mène en fait une double vie en fréquentant la fiancée de
son beau-frère, Nola Rice (Scarlett Johansson). Cette relation dévorante, exaltée
et torride l’amène au bord du gouffre lorsque Nora le somme de révéler au grand
jour leur passion. Mais trop habitué au confort matériel prodigué par la
famille Hewett, Chris choisit de tuer Nora en ourdissant un piège
particulièrement machiavélique. Vêtu de noir, le regard fixe, l’œil farouche,
les mâchoires serrées, la cravate défaite et les mains gantées de cuir, Chris
est assis sur un canapé zébré dans l’appartement de la voisine de Nora. À sa
droite, un sac de sport, dans lequel on chercherait vainement une raquette de
tennis ou une paire de chaussures de sport, repose négligemment à ses côtés. Un
fusil démonté s’y trouve, prêt à l’emploi. L’intérêt de l’image – et du film –
réside dans « une réflexion sur la
présence du mal, tapi en chacun de nous, et dans la lutte perdue d’avance pour
lui échapper » (1). Portant beau et derrière une façade sportive, douce,
aimante, raisonnée et raisonnable, Chris est en fait, un être veule, rongé tout
autant par la passion qu’il éprouve pour Nora que par la volonté de profiter du
confort matériel dans lequel il évolue. Assis sur le bord du canapé et prêt à
bondir, il apparaît irrité, frustré d’être obligé de choisir entre sa maîtresse
et son épouse, lui qui veut, en bon joueur de tennis, jouer sur tous les
tableaux. Sa rancune se nourrit d’un ressentiment qui va se muer en hostilité,
et le meurtre odieux qu’il prépare doit permettre d’éliminer cette source de
frustration. Nulle hésitation dans ce regard, mais une détermination farouche à
mener son projet jusqu’au bout dans ce décor banal et quotidien qui tranche
avec l’extrême brutalité de son geste planifié. L’éclairage divise son visage
en deux, laissant dans l’ombre sa partie gauche, pour mieux souligner cette
double personnalité qui relève du simulacre et de l’imposture. Très proche de Crimes et délits (Crimes and Misdemeanors/1989) dans lequel Woody Allen avait déjà
filmé le triomphe des apparences, Match
Point apparaît comme le creuset dans lequel s’épanouit le pessimisme
allenien sur la condition humaine.
"un professeur de tennis d’origine modeste qui entre par effraction dans la grande bourgeoisie londonienne", "Portant beau et derrière une façade sportive, douce, aimante, raisonnée et raisonnable", "lui qui veut, en bon joueur de tennis, jouer sur tous les tableaux" !!! Ton style s'imprègne du réalisateur que tu mets à l'honneur, succulent.
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