dimanche 27 mars 2016

La neige chez les frères Coen


Cette plongée quasi-verticale dans Fargo (1996) écrase Jerry Lundegaard (William H. Macy). Ce dernier est aux abois. Il lui faut absolument trouver de l’argent pour renflouer ses finances personnelles. Aussi monte-t-il un plan aussi machiavélique qu’absurde, pour que sa femme soit kidnappée afin qu’il puisse faire croire à son richissime beau-père que les ravisseurs exigent une rançon d’un million de dollars. Pensant rester le seul intermédiaire entre les kidnappeurs et son beau-père, la situation, en fait, lui échappe inexorablement. L’action se déroule dans la ville de Brainerd (Minnesota). L’hiver y est rude, les tempêtes de neige engloutissent les corps et paralysent les mouvements. Ici, Jerry se dirige vers sa voiture, garée sur un gigantesque parking recouvert par un manteau de neige. Il suit les traces de sa voiture et va croiser une autre ligne perpendiculaire de traces de pneus. Cette croisée des chemins le fait, à ce moment, définitivement, basculer dans une chute interminable, tragique, absurde et dérisoire. Ce plan filmé en plongée préfigure son échec - peur panique du rêve américain - et réduit Jerry à un point minuscule perdu dans cette immensité glacée. Il incarne un loser, un personnage pathétique - que l’on rencontre dans la plupart des films des frères Coen - qui se noie dans les méandres inextricables de situations dont il est le créateur. La blancheur immaculée de la neige, à peine souillée par la voiture, renforce la solitude et la désespérance de celui qui ne maîtrise plus rien. Quand la cupidité le dispute à  la bêtise, la spirale infernale de l’échec – à la manière de John Huston, mais l’humour noir en plus - va emporter dans son sillage Jerry, cette incarnation poisseuse de la brutalité conjugale et de l'omnipotence accablante du dieu Dollar. 


                                                        Jerry Lundegaard (William H. Macy)

Aucun commentaire:

Publier un commentaire