mercredi 8 novembre 2017

L'impérialisme chez Douglas Hickox



Le 22 janvier 1879, au cours de la bataille d’Isandhlwana, l’armée britannique subit en Afrique du Sud une débâcle retentissante, face à une machine de guerre hors du commun, l’impi (régiment) composée de 20 000 Zoulous. Au canons, aux fusils et à la discipline britannique toute martiale, les Zoulous opposent des sagaies et des boucliers. À priori supérieure sur le plan militaire et matériel, l’armée de Lord Chelmsford s’est pourtant fait piéger dans ces collines herbeuses jaunies par le soleil austral. Dans L’Ultime attaque (Zulu Dawn, 1979), Douglas Hickox tire à boulets rouges sur l’impérialisme britannique et son arrogance à vouloir soumettre, au nom de la reine Victoria, un royaume encore indépendant, le Zoulouland, à l’instar d’une partie de l’Afrique allant, du Nord au Sud, de l’Égypte à l’Afrique du Sud. La puissance géopolitique britannique est alors à son zénith et sa domination mondiale justifie le titre de « l’empire sur lequel le soleil ne se couche jamais ». De cette omnipotence et de ce sentiment de supériorité, les deux photogrammes indiquent pourtant tout le contraire : deux cavaliers découvrent avec stupéfaction, en contrebas d’une cuvette, l’impi qui s’était dissimulé autour d’un plan d’eau. Un murmure à peine perceptible s’élève tout d’abord, puis une immense clameur sortie de la gorge de milliers de Zoulous transperce le calme précaire qui régnait jusqu’alors dans la région. Et soudain, une immense vague noire se dresse face aux envahisseurs, déterminée à tout balayer sur son passage pour préserver une culture et un mode de vie. Les coups sourds démultipliés des lances sur les boucliers, les cris de guerre, le martellement des pieds nus qui font tanguer la terre, la charge irrésistible au mépris des corps qui tombent sous les salves britanniques, sont autant de signes annonciateurs de la défaite de l’armée de Sa Majesté, défaite déjà visible dans ces lignes de défense des red coats très vulnérables, étirées sur des dizaines de mètres et incapables de subir un choc frontal et massif d’une telle puissance. La tactique zouloue utilisée est celle de la tête de buffle : deux corps d’armée sur les ailes matérialisant les cornes d’un buffle et un autre au centre (photogramme 2) pour la tête organisent l’impi, redoutable force de frappe particulièrement quand les Zoulous sont en surnombre. À la suite de Lindsay Anderson (If …., 1968) ou de Tony Richarson (La Charge de la Brigade légère/The Charge of The Light Brigade, 1968) qui dynamitent tous les deux les certitudes, le premier sur le système scolaire anglais et le deuxième sur l’intervention britannique en Crimée en 1854, Douglas Hickox témoigne d’un désenchantement politique en mettant à vif les enjeux qui sous-tendent l’impérialisme que son pays a érigé en porte-étendard, particulièrement entre 1815 et 1914 : la conquête de territoires au nom d’impératifs économiques (le sous-sol de l’Afrique du Sud regorge de métaux précieux),  idéologiques (il faut éradiquer les pouvoirs locaux jugés barbares au nom de la mission civilisatrice occidentale forcément supérieure), politiques (le Royaume-Uni se doit de tenir son rang de grande puissance dans le monde) et géographiques (l’Afrique du Sud et particulièrement la ville du Cap  contrôlent la route maritime en direction des Indes). Bien que victorieux à Isandhlwana, les Zoulous ne savent pas encore qu’ils vivent en fait leurs dernières semaines de liberté. Leur défaite à la bataille d’Ulundi, le 4 juillet 1879, achèvera de sceller leur sort. 


Aucun commentaire:

Publier un commentaire