Le 22 janvier 1879, au cours de la bataille d’Isandhlwana,
l’armée britannique subit en Afrique du Sud une débâcle retentissante, face à
une machine de guerre hors du commun, l’impi
(régiment) composée de 20 000 Zoulous. Au canons, aux fusils et à la
discipline britannique toute martiale, les Zoulous opposent des sagaies et des
boucliers. À priori supérieure sur le plan militaire et matériel, l’armée de
Lord Chelmsford s’est pourtant fait piéger dans ces collines herbeuses jaunies
par le soleil austral. Dans L’Ultime
attaque (Zulu Dawn, 1979),
Douglas Hickox tire à boulets rouges sur l’impérialisme britannique et son
arrogance à vouloir soumettre, au nom de la reine Victoria, un royaume encore
indépendant, le Zoulouland, à l’instar d’une partie de l’Afrique allant, du
Nord au Sud, de l’Égypte à l’Afrique du Sud. La puissance géopolitique britannique
est alors à son zénith et sa domination mondiale justifie le titre de «
l’empire sur lequel le soleil ne se couche jamais ». De cette omnipotence et de
ce sentiment de supériorité, les deux photogrammes indiquent pourtant tout le
contraire : deux cavaliers découvrent avec stupéfaction, en contrebas
d’une cuvette, l’impi qui s’était dissimulé
autour d’un plan d’eau. Un murmure à peine perceptible s’élève tout d’abord, puis
une immense clameur sortie de la gorge de milliers de Zoulous transperce le
calme précaire qui régnait jusqu’alors dans la région. Et soudain, une immense
vague noire se dresse face aux envahisseurs, déterminée à tout balayer sur son
passage pour préserver une culture et un mode de vie. Les coups sourds
démultipliés des lances sur les boucliers, les cris de guerre, le martellement
des pieds nus qui font tanguer la terre, la charge irrésistible au mépris des
corps qui tombent sous les salves britanniques, sont autant de signes
annonciateurs de la défaite de l’armée de Sa Majesté, défaite déjà visible dans
ces lignes de défense des red coats
très vulnérables, étirées sur des dizaines de mètres et incapables de subir un
choc frontal et massif d’une telle puissance. La tactique zouloue utilisée est
celle de la tête de buffle : deux corps d’armée sur les ailes
matérialisant les cornes d’un buffle et un autre au centre (photogramme 2) pour
la tête organisent l’impi, redoutable
force de frappe particulièrement quand les Zoulous sont en surnombre. À la
suite de Lindsay Anderson (If ….,
1968) ou de Tony Richarson (La Charge de
la Brigade légère/The Charge of The
Light Brigade, 1968) qui dynamitent tous les deux les certitudes, le
premier sur le système scolaire anglais et le deuxième sur l’intervention
britannique en Crimée en 1854, Douglas Hickox témoigne d’un désenchantement
politique en mettant à vif les enjeux qui sous-tendent l’impérialisme que son pays
a érigé en porte-étendard, particulièrement entre 1815 et 1914 : la
conquête de territoires au nom d’impératifs économiques (le sous-sol de
l’Afrique du Sud regorge de métaux précieux),
idéologiques (il faut éradiquer les pouvoirs locaux jugés barbares au
nom de la mission civilisatrice occidentale forcément supérieure), politiques
(le Royaume-Uni se doit de tenir son rang de grande puissance dans le monde) et
géographiques (l’Afrique du Sud et particulièrement la ville du Cap contrôlent la route maritime en direction des
Indes). Bien que victorieux à Isandhlwana, les Zoulous ne savent pas encore
qu’ils vivent en fait leurs dernières semaines de liberté. Leur défaite à la
bataille d’Ulundi, le 4 juillet 1879, achèvera de sceller leur sort.
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