samedi 2 juillet 2016

La propagande selon John Wayne


Autant le dire tout de suite, le film The Alamo réalisé par John Wayne en 1960 est d’abord un film de pure propagande,  à destination du Texas, des États-Unis et du monde. Il relate le sacrifice héroïque des 180 hommes qui ont défendu pendant treize jours Alamo, une vieille mission fortifiée en 1836 au Texas, alors mexicain, face à l’armée du generalissimo Santa Anna  bien supérieure en nombre. L’enjeu pour les immigrants américains – dont Davy Crocket (John Wayne), William B. Travis (Lawrence Harvey) et Jim Bowie (Richard Widmark) -  était de créer une République indépendante du Mexique et de permettre à Sam Houston (Richard Boone) de gagner un temps précieux pour mettre sur pied une armée texane. John Wayne a porté ce projet pendant quinze ans avant de pouvoir le tourner sur un site reconstitué près de Brackettville au Texas. Mais, ramener The Alamo uniquement à cela, serait oublier la fantastique geste cinématographique que nous livre l’acteur fétiche de John Ford. L’assaut final mexicain dure 13 minutes et reste un morceau de bravoure inégalé (le dernier Alamo, filmé par John Lee Hancock en 2004, est bien plus plus proche de la réalité historique mais reste dénué du souffle épique de la version de John Wayne). Davy Crocket (le troisième à partir de la gauche), revêtu  de sa toque de trappeur, est à la tête d’un groupe de volontaires du Tennessee défendant la palissade sud de la mission. Protégés par un mur, aussi improvisé que fragile, constitué de bois et de pierres, ces défenseurs - déjà statufiés dans le mythe - s’apprêtent à stopper les charges furieuses de la cavalerie mexicaine. Leurs yeux, rivés sur la mire de leurs fusils, soulignent leur détermination et leur courage, alors que derrière eux, la bataille fait déjà rage. Leurs armes, comme autant de baïonnettes, dressent une véritable barrière qui doit rendre cette partie de l’Alamo infranchissable. Magnifiés par l’écran large et la photographie de William Clothier, Davy et ses compagnons opposent une farouche résistance tout à leur volonté de ne pas céder un pouce de terrain. Prêts à mourir en martyrs pour une cause supérieure, ils incarnent cette Amérique conquérante du XIXe siècle que John Wayne veut traduire sur un écran au tournant des années 60. Mais, entre les lignes, The Alamo, sorti le 24 octobre 1960, parle davantage de John Wayne et des États-Unis que du Texas en 1836. Pour un partisan du parti républicain comme lui, l'époque est rude: la guerre de Corée s’est terminée en 1953 par un statu quo, le sénateur McCarthy est mort en 1957 et John F. Kennedy est sur le point d’accéder à la Maison blanche (John Wayne a soutenu son adversaire, le républicain Richard Nixon). Cela explique la volonté du réalisateur d’imposer sa vision conservatrice de la grandeur de l’Amérique à une époque où l’URSS marque des points en lançant, en 1957 avant les États-Unis, le Spoutnik dans l’espace. 180 hommes menés par des personnages de légende ont accepté de se sacrifier dans une enceinte encerclée par 7000 Mexicains ! Il émane de cet épisode tragique, revisité par la force de conviction de John Wayne, un lyrisme brutal sublimé par la musique de Dimitri Tiomkin. La vieille mission espagnole est le réceptacle de toutes les valeurs défendues par le réalisateur: le patriotisme, la liberté, le sacrifice et l’héroïsme. La République texane affronte la dictature mexicaine dans un combat sans merci. Pour Wayne, cette page de l’histoire du Texas doit servir à proclamer à la face de ses contemporains et du monde que les États-Unis se sont construits grâce à des héros dont le courage et la détermination ont permis de légitimer la conquête d’un espace au nom de la liberté. D’aucuns pourraient penser que le ton du film est conservateur, pompeux et moralisateur, mais qu’importe, le souffle de la réalisation emporte tout.




Le champ-contrechamp de l'assaut final



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