samedi 21 octobre 2017

Le spectre chez Kevin Costner


Cette apparition fantomatique est le fruit du cauchemar que fait Charley Waite (Kevin Costner, devant et derrière la caméra) dans Open Range (2003). Charley est un cowboy qui sous les ordres de son patron, Boss Spearman (Robert Duvall), mène un troupeau de chevaux à travers l’immensité des plaines de l’Ouest américain. Leur itinérance les mène à Harmonville, un bourg contrôlé par un grand propriétaire, Denton Baxter (Michel Gambon) et un shérif corrompu. L’affrontement apparaît inévitable entre un potentat refusant qu’un troupeau autre que le sien ne traverse le territoire qu’il contrôle et un groupe de cowboys indomptés, refusant toute atteinte à leur liberté. Ce schéma ultra-classique du genre est toutefois rehaussé par une dimension fantastique assez rarement exploitée dans un cadre où le réel, fantasmé ou pas, est le plus souvent de mise. Kevin Costner cadre ici un homme, silencieux et immobile, dans l’encoignure d’une pièce. Sa silhouette statufiée se confond avec le noir intense qui enveloppe le salon dans lequel s’est assoupi Charley. Alors que l’orage gronde à l’extérieur, le reflet bleuâtre d’un éclair se réverbère sur la tête de ce spectre recouverte d’une étoffe de drap blanc, percée de deux trous au niveau des yeux. Son immobilité, dans cet espace subitement devenu irréel, donne au personnage une aura glaciale et cauchemardesque. Cette atmosphère crépusculaire renvoie directement à Impitoyable (Unforgiven, 1992) de Clint Eastwood. Le passé meurtrier de Will Munny (Clint Eastwood) est le miroir de celui de Charley Waite. Les deux ont vécu autrefois dans la violence et maîtrisent mal leurs démons intérieurs qui finissent immanquablement par les submerger. Esthétiquement et figurativement, et dans leur volonté de dépouiller l’Ouest de sa légende, Eastwood et Costner filment un univers sombre dans lequel ces personnages tourmentés donnent de l’Amérique une image trouble et morbide.  Dans un tel contexte, la violence la plus éruptive le dispute à la démythification des héros. Mais si cette apparition spectrale matérialise un homme de main du grand propriétaire que Charley a déjà croisé sur sa route, elle est surtout l’allégorie d’une lutte permanente entre Charley et ses cauchemars, d’un passé qui le hante, d’une résurgence de souvenirs qui le renvoient sans cesse à son enfance et à son premier meurtre, à son intégration dans une unité spéciale, chargée d’exactions pendant la guerre de Sécession, y compris contre des civils et à se mettre, après la fin des hostilités entre le Nord et le Sud, au service d’individus comme Baxter. Le spectre n’est donc que le double de ce que Charley a été autrefois, un homme qui a tué et qui ne se remet pas de l’avoir fait. Ces fantômes qui l’obsèdent sont sa damnation qu’il cherche par tous les moyens à transcender. C’est finalement une femme, Sue Barlow (Annette Bening), qui parviendra à faire renaître Charley.


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