mercredi 23 mars 2016

Le zoom arrière chez Francis Ford Coppola






Dans Le Parrain (The Godfather, 1972), la séquence d’ouverture nous plonge immédiatement dans une des thématiques du film; l’allégeance d’un féal à son suzerain et les liens qui unissent les membres de la mafia italienne aux États-Unis en 1945. L’action s’ouvre sur un fond noir, puis surgi de nulle part, la caméra cadre un homme, Amerigo Bonasera (Salvatore Corsitto) entamant ce qui semble être un monologue évoquant son désir de venger sa fille  violemment agressée par deux hommes, quelques temps plus tôt. Ce n’est pas un regard-caméra; ses yeux fixent, par une diagonale, un hors-champ dont on ne sait rien pour l’instant.Très lentement, presque imperceptiblement, Coppola effectue un zoom arrière qui ouvre sur un décor dont on ne perçoit que progressivement l’opulence. Une boîte à cigares, un cendrier, un téléphone, une feuille de papier, un encrier entrent progressivement dans le cadre. Puis, alors que le zoom arrière nous fait découvrir au premier plan à gauche  et de profil une tête soutenue par une main, cette dernière, abruptement, balaie l’espace, dévoilant ce hors-champ fixé par le plaignant. Une autre main, à droite de l’écran, un verre à la main, entre alors dans le champ de la caméra. Les protagonistes à l’écoute de cette confession vengeresse sont déjà deux. Le zoom arrière s’arrête au moment ou les mots Don Corleone sont prononcés. Le film peut alors démarrer autour du pivot central de l’intrigue: l’évocation du Parrain (Marlon Brando, colossal) et les rapports de pouvoir que celui-ci impose à tous ses vassaux. Le dialogue qui suit se fait à l’abri des regards, dans ce clair-obscur propice aux intrigues et aux tractations mafieuses. Il est ici question d’honneur, de loi du talion, de silence ( Bonasera se lève pour chuchoter à l’oreille du Parrain la sanction – la mort – à l’encontre des agresseurs de sa fille)  de soumission et d’autorité. La violence sourde des mots et la colère à peine contenue de Bonasera contrastent avec le calme du Parrain, bien calé dans son fauteuil, caressant un chat posé sur ses genoux. Ce n’est rien d’autre que le versant sombre du capitalisme (la fortune accumulée par la famille Corleone) et du rêve américain - mais un rêve perverti -, inséparable de son idéal de justice (en libérant les deux agresseurs, la justice officielle n’a pas répondu aux attentes de Bonasera: il attend donc que justice soit faite par Don Corleone) que nous décrit ici Francis Ford Coppola. Dire que le Parrain est un film sublimissime est un euphémisme; je vous recommande successivement le visionnement des 3 volets du Parrain (1972, 1975 et 1990: près de 9 heures de projection quand même !), qui exposent, sur 3 générations, une saga familiale hors du commun. 



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