dimanche 6 mars 2016

La mitrailleuse chez Sam Peckinpah


Le massacre final de La Horde sauvage (The Wild Bunch, 1969) est resté comme le point d’orgue de ce film plus grand que nature, le meilleur peut-être de Sam Peckinpah. Pike Bischop (William Holden), un hors-la-loi  et ses trois compagnons se retrouvent au Mexique face à leur ancien employeur, le général Mapache (Emilio Fernandez). Ils souhaitent récupérer un quatrième complice,  Angel (Jaime Sanchez) préalablement capturé par le dictateur mexicain. Ce dernier le met à mort sous les yeux des Américains. Et l’apocalypse se déclenche. La séquence, particulièrement violente, condense toutes les thématiques de Peckinpah: des perdants magnifiques qui savent qu’ils sont devenus anachroniques dans un Mexique en pleine mutation (l’action se passe en 1913 pendant la révolution mexicaine), la mort de l’Ouest (la conquête de l’espace étatsunien est terminée depuis 1890 et tout retour au nord du Rio Grande devient impossible), la violence, non pas comme fin en soi, mais représentative du monde dans lequel les hors-la-loi ont vécu (ils ont vécu par le sang, ils mourront dans un dernier bain de sang). Peckinpah, lui-même affirmait qu’il voulait faire de ce fim, une allégorie de la guerre du Vietnam alors en cours: le Mexique, à l’instar du Vietnam, n’est alors qu’un poste avancé de l’impérialisme américain. Le photogramme présente deux des quatre mercenaires, deux frères, Lyle Gorch (Warren Oates, à droite) et Tector Gorch (Ben Johnson), qui sort littéralement du cadre. La furie meurtrière est à son paroxysme. Lyle s’empare, totalement extatique et hurlant, d’une mitrailleuse et tire en rafales continues sur toute l’armée mexicaine qui menace de le submerger. Cette arme infernale montre bien que le monde est désormais entré dans l’ère industrielle. Avec sa mitrailleuse qui crache la mort et déchire les corps, Lyle inspire autant la fascination glaçante que la répulsion. Déjà blessé, il tourne le dos à un mur d’adobe criblé d’impacts de balles. Son frère, Hector, vient d’être touché à son tour et ne tardera pas à succomber à ce maelstrom de feu et de sang. Ils sont tous les  deux acculés dans un coin de la bâtisse ce qui accentue le caractère désespéré de leur suicide, véritable immolation sur l’autel d’une descente vers l’abîme. Ben Johnson est un acteur qui résume à lui tout seul l’évolution du western vers plus de réalisme: souvent employé par John Ford dans des rôles de cow-boy ou de militaire positifs (La Charge Héroïque/She Wore a Yellow Ribbon, 1949 ou Le Convoi des braves/Wagon Master, 1950), il finira par incarner, en vieillissant, des hommes de l’Ouest plus fiévreux (La Vengeance aux deux visages/One Eyed Jacks de Marlon Brando en 1961) et plus violents (Major Dundee de Sam Peckinpah déjà en 1965).




                        Pike Bishop (William Holden), un autre membre de la Horde sauvage                   

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