jeudi 10 mars 2016

Les références chez Sergio Leone


La fin du prologue de Il était une fois dans l’Ouest (1968) emprunte la structure dramatique du film de Fred Zinnemann, Le Train sifflera trois fois (High Noon, 1952). Chez Leone, trois malfrats attendent un mystérieux inconnu sur le quai d’une gare à l’instar des trois hors-la-loi de Zinnemann, attendant Frank Miller, de retour à Hadleyville pour se venger du shériff Will Kane qui l’avait arrêté quelques années plus tôt.

De gauche à droite, le réalisateur filme des hommes sans nom, revêtus de longs manteaux cache-poussière, mais des acteurs très connus: Al Mulock (déjà remarqué dans Le Bon, la Brute et Truand/The Good, the Bad and the Ugly, 1966), Jack Elam (un second couteau à la filmographie aussi impressionnante que sa trogne), Woody Strode (un acteur souvent utilisé par John Ford, notamment dans Le Sergent noir/Sergeant Rutledge, 1960) et à l’arrière-plan, l’homme à la valise et à l’harmonica, Charles Bronson (Les Sept Mercenaires/The Magnificent Seven, John Sturges, 1960). Le train vient de quitter le quai de la gare et les quatre personnages se font face dans un rapport pour le moins conflictuel. Le western est avant tout une question de décor. L’action se déroule quelque part au fin fond de l’Ouest, le ciel est immense et à l’arrière-plan, très loin, se découpent des montagnes. La voie ferrée et les fils télégraphiques montrent l’avancée de la civilisation mais contredisent l’affrontement à venir à une époque (les années 1860) où tout différend se règle encore à coups de colts. La ligne d’horizon se confond avec les barrières en bois qui jouxtent la voie ferrée. Au premier plan, un quai fait de poutres instables complète cet espace désertique et hostile, annonciateur de la mort qui rôde. Loin de la ville du Train sifflera trois fois,  la résolution de la confrontation dans cet univers désolé est imminente: Jack Elam a déjà écarté le pan droit de son manteau pour dégager l’accès à son colt à l'instar de Woody Strode et d'Al Mulock, bien campés sur leurs deux jambes, dans l’attitude de ceux qui n’attendent qu’un battement de cils mal interprété pour dégainer. Les passionnés savent que Sergio Leone voulait pour jouer les trois hors-la-loi, Eli Wallach, Lee Van Cleef et Clint Eastwood, les trois rôles principaux du Bon, la Brute et le Truand. Les deux premiers avaient accepté, seul Clint Eastwood dit non, probablement en raison de sa notoriété en phase ascensionnelle. Il ne pouvait concevoir à l’époque de jouer un rôle aussi périphérique (1). Le choix des acteurs américains, des lieux emblématiques du western (une partie du film est tournée à Monument Valley, un  espace cher à John Ford), des figures de style (le duel, qui porte d’ailleurs mal son nom, puisqu’ils sont quatre; dans le western classique, le duel se passe le plus souvent à deux et dans la rue principale d’une ville poussiéreuse), des codes vestimentaires (chapeaux, bottes, colts; précisons que les cache-poussière avaient déjà été utilisés dans Jesse James, le brigand bien-aiméThe True story of Jesse James de Nicholas Ray, 1957)  montrent au-delà des références, une véritable admiration pour ce genre cinématographique qui vit à ce moment ses derniers feux.

(1) Conversations avec Sergio Leone de Noël Simsolo,Stock cinéma, 1987

                                                         Al Mulock, Jack Elam et Woody Strode 

                                               Les trois hors-la-loi dans Le Train sifflera trois fois



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