dimanche 20 mars 2016

I am Spartacus de Kirk Douglas aux Éditions Capricci/2013


Quand Kirk Douglas écrit ce livre, il a 95 ans ! Tout au long des 189 pages, le producteur/acteur du film Spartacus nous convie à une très enthousiasmante visite du monde hollywoodien des années 50/60. En 1958, Kirk Douglas vient d’enchaîner des films plus superbes les uns que les autres; La Vie passionnée de Vincent Van Gogh (Lust for Life de Vincente Minnelli en 1956), Les Sentiers de la Gloire (Paths of Glory de Stanley Kubrick en 1957), Les Vikings (The Vikings de Richard Fleischer en 1958). Il est sur le point de commencer Le Dernier train de Gun Hill (Last train from Gun Hill de John Sturges en 1959). C’est donc un acteur confirmé qui s’attaque à la production de Spartacus, inspiré du roman homonyme de Howard Fast, publié en 1951. La narration de Kirk Douglas s’ouvre sur cette période noire et mortifère du maccarthysme dans laquelle le sénateur McCarthy et ses sbires (une mention spéciale pour John Parnell Thomas, le président de la Huac, cette commission chargée de pousser à la délation tous ceux qui étaient suspectés d’être communistes) ont littéralement foulé aux pieds les libertés individuelles aux États-Unis. Libéral convaincu, Kirk Douglas n’hésite pas à risquer gros en choisissant de faire écrire le scénario du film par Dalton Trumbo, un scénariste blacklisté, toujours mis à l’index, malgré la mort du sénateur McCarthy en 1957 et considéré par de nombreux producteurs comme persona non grata à Hollywood. Faire travailler Dalton Trumbo – même sous un prête-nom comme Sam Jackson – pouvait entraîner la fin du financement par Universal, une presse hostile et l’opposition de groupes de pression comme l’American legion (association d’anciens combattants). La survie du film était donc tout simplement en jeu. Le plus extraordinaire est que Kirk Douglas  a pu mener son projet jusqu’au bout en dépit des vicissitudes du tournage; explosion du budget (13 millions de dollars au total), renvoi d’Anthony Mann, le premier metteur en scène, remplacement en cours de tournage de Sabina Bethman par Jean Simmons pour jouer Varinia, l’esclave qui tombe amoureuse de Spartacus, arrivée de Stanley Kubrick en lieu et place d’Anthony Mann, rivalités d’égos surdimensionnés entre Laurence Olivier et Charles Laughton, censure de l’Administration du Code de Production de la Motion Picture Association qui obtint de nombreuses coupures jugées scandaleuses comme celle de la fameuse scène entre Tony Curtis et Laurence Olivier à propos des escargots et des huitres (il faudra attendre 1991 pour retrouver cette scène dans une version restaurée). Si le film est devenu depuis un classique, c’est donc bien grâce à la ténacité et au courage de Kirk Douglas qui ne pouvait être qu’en symbiose totale avec son scénariste; Spartacus est avant tout une caisse de résonance des tensions politiques des années 50 puisqu’il narre une épopée d’une armée d’esclaves remettant en cause l’autorité de Rome sous la République mais le film exalte aussi et surtout de manière transparente, la liberté pour tous les parias. Il a fallu dix ans pour que Dalton Trumbo retrouve son nom au générique d’un film. La brèche est ouverte en 1960 - confirmée par J.F Kennedy qui accueillera très favorablement le film - pour mettre fin à la liste noire. La même année, Otto Preminger enfoncera le clou en mettant lui aussi le nom de Trumbo au générique de son film Exodus. L’intérêt du livre est là, en ce sens que Kirk Douglas refuse de se soumettre aux diktats édictés par l’hypocrisie et la médiocrité tout en se livrant totalement à son amour pour le cinéma. La collaboration entre Kirk Douglas et Dalton Trumbo ne s’arrêtera pas là; ils se retrouveront sur les plateaux de Perdido de Robert Aldrich en 1961 et de Seuls sont les indomptés (Lonely are the Brave de David Miller en 1962). Deux autres films superbes .........


                                          Woody Strode, Stanley Kubrick et Kirk Douglas                                            

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