samedi 5 mars 2016

La diagonale chez Marlon Brando


La Vengeance aux deux visages (One-eyed Jacks) est l’unique film réalisé par Marlon Brando en 1961. Rio (Marlon Brando à gauche) et Dad Longworth (Karl Malden) sont pourchassés par des Rurales (milice mexicaine) après avoir cambriolé une banque dans l’État du Sonora au Mexique. L’hallali est proche. En gravissant une colline, le cheval de Rio vient d’être abattu et les deux complices regardent un hors-champ menaçant et hostile. Une diagonale coupe quasiment l’image en deux et relie les hommes et les chevaux, maculés par ce sable blanchâtre et arrimés à cette dénivellation minérale dans laquelle ils semblent s’enfoncer. Ce ne sont pas pour autant des statues de sel puisque Rio pivote sur lui-même, tenant fermement sa Winchester, bien décidé à vendre chèrement sa peau. Le cheval de Dad est par contre statique, comme si son cavalier hésitait sur la conduite à tenir. Toutes les couleurs présentées sont contradictoires: le bleu est traditionnellement une couleur froide et sereine mais  il tranche avec le piège qui se referme sur Rio et Dad, le blanc du sable s’oppose à la souillure que représentent les outlaws en fuite. La chaleur y est étouffante et écrase les deux comparses, contribuant à la sensation d’enfermement, en dépit d’une ligne d’horizon ouverte sur l’infini. Les corps se découpent donc parfaitement dans cet espace torride, surchauffé par la tension de l’action en cours. Marlon Brando réalise là un chef- d’œuvre qui a dérouté à l’époque le public et dans lequel il campe un hors-la-loi extrêmement complexe, sans scrupules, manipulateur, capable d’éclairs de grande violence et de romantisme débridé, qui n’a pas beaucoup d’équivalents dans ce genre cinématographique.



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