La Vengeance aux deux visages (One-eyed
Jacks) est l’unique film réalisé par Marlon Brando en 1961. Rio (Marlon
Brando à gauche) et Dad Longworth (Karl Malden) sont pourchassés par des
Rurales (milice mexicaine) après avoir cambriolé une banque dans l’État du
Sonora au Mexique. L’hallali est proche. En gravissant une colline, le cheval
de Rio vient d’être abattu et les deux complices regardent un hors-champ
menaçant et hostile. Une diagonale coupe quasiment l’image en deux et relie les
hommes et les chevaux, maculés par ce sable blanchâtre et arrimés à cette
dénivellation minérale dans laquelle ils semblent s’enfoncer. Ce ne sont pas
pour autant des statues de sel puisque Rio pivote sur lui-même, tenant
fermement sa Winchester, bien décidé à vendre chèrement sa peau. Le cheval de
Dad est par contre statique, comme si son cavalier hésitait sur la conduite à tenir.
Toutes les couleurs présentées sont contradictoires: le bleu est
traditionnellement une couleur froide et sereine mais il tranche avec le piège qui se referme sur
Rio et Dad, le blanc du sable s’oppose à la souillure que représentent les outlaws en fuite. La chaleur y est
étouffante et écrase les deux comparses, contribuant à la sensation
d’enfermement, en dépit d’une ligne d’horizon ouverte sur l’infini. Les corps
se découpent donc parfaitement dans cet espace torride, surchauffé par la
tension de l’action en cours. Marlon Brando réalise là un chef- d’œuvre qui a
dérouté à l’époque le public et dans lequel il campe un hors-la-loi extrêmement
complexe, sans scrupules, manipulateur, capable d’éclairs de grande violence et
de romantisme débridé, qui n’a pas beaucoup d’équivalents dans ce genre
cinématographique.
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