Dans
Danse avec les loups (Dances with Wolves, 1990), le lieutenant
Dunbar (Kevin Costner) de l’armée unioniste est grièvement blessé à la jambe
sur un champ de bataille de la guerre de Sécession entre les États du Nord et
ceux du Sud. Il n’échappe à l’amputation que de justesse. Épuisé, lassé par
tant de tueries, submergé par un abîme de désespérance, il décide d’en finir.
Le lieutenant enfourche alors un cheval et vient galoper à quelques mètres des
lignes confédérées, attendant le coup de grâce qui mettra fin à son calvaire. Dans
cette chevauchée ultime, il offre son corps en sacrifice, telle une figure
christique, bien décidé à endosser toute la culpabilité et tous les péchés des
hommes. À l’arrière-plan, les Sudistes sont en train d’ajuster leurs tirs et de
le mettre en joue …..
Le
suicide est une figure rare dans le western. Michel Cieutat (1) nous dit que
c’est parce que Hollywood et l’Amérique ont une foi inébranlable dans la vie. Le
Code Hays, chargé de vérifier, de 1934 à 1968, les bonnes mœurs des films, recommandait fortement de ne pas montrer le suicide à l’écran. Dans la société
américaine qui a érigé le succès comme un horizon ultime à atteindre, le
suicide, expression d’une souffrance insoutenable, ne peut être qu’un constat
d’échec contredisant toutes les valeurs (travail, détermination, courage) qui
ont fondé l’Amérique. Mais néanmoins quelques exemples prouvent que certains
réalisateurs ont su contourner la censure. Ainsi, Billy the Kid (Paul Newman)
affronte Pat Garrett, mais avec un revolver vide dans Le Gaucher (The Left-Handed
Gun, 1958), de même que Brendan O’Malley (Kirk Douglas) face à Dana
Stribling (Rock Hudson) dans El Perdido
de Robert Aldrich (1961).Tony Sinclair (John Cassavetes) préfère
retourner son arme contre lui plutôt que d’affronter son frère, Steve (Robert
Taylor) dans Libre comme le Vent (Saddle the Wind de Robert Parrisch, 1958),
tandis que les outlaws de la Horde
sauvage de Sam Peckinpah (The Wild
Bunch, 1969) s’autodétruisent dans un baroud d’honneur contre l’armée
mexicaine parce qu’ils sont conscients qu’ils sont devenus, au début du XXe siècle,
des vestiges du passé. Enfin, le capitaine Benjamin Tyreen (Richard Harris), dans
Major Dundee (1965) du même Peckinpah, blessé à mort dans un
combat contre les lanciers français au Mexique, préfère se jeter dans une
charge solitaire contre les lances des cavaliers de l’empereur Maximilien. La
rédemption est donc impossible pour tous ces personnages et la mort volontaire
devient la seule échappatoire à une situation qu’ils ont jugée sans issue. Pour
le lieutenant Dunbar par contre, le miracle se produit; il échappe à tous les
projectiles qui sifflent autour de lui et survit à cette immolation. Il pourra
ainsi renaître au contact de la tribu sioux qu’il rencontrera au cours de son
odyssée dans les Grandes Plaines du Dakota du Sud.
(1)
Michel Cieutat, Les Grands thèmes du cinéma américain, Éditions du Cerf (1988)
p.245 et 246
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