Cette
ouverture de Rio Conchos (1964) est d’une fulgurance et d’une violence
saisissantes, empreintes d’une noirceur totale, contemporaine des westerns de
Sam Peckinpah (La Horde sauvage/The Wild Bunch, 1968) et annonciatrice de ceux
de Clint Eastwood (Impitoyable/Unforgiven, 1992). Quelque part au
Nouveau-Mexique, peu après la fin de la guerre de Sécession, un groupe
d’Indiens pratique un rite funéraire dans un paysage aride, désolé, écrasé
par une chaleur étouffante. Au loin, surgit un cavalier qui met pied à terre,
s’empare de sa winchester et abat méthodiquement, les uns après les autres, tous
les infortunés Apaches sans défense. Début du générique …….
Cet
homme, c’est James Lassiter (le meilleur rôle peut-être de Richard Boone),
ex-major sudiste, devenu tueur d’Indiens après que sa famille ait été massacrée
par une bande d’Apaches. La haine que voue Lassiter aux Indiens s’exprime ici
dans toute sa cruauté. Ce ne sont pas
seulement les Apaches qu’il veut éradiquer mais aussi leur culture, leurs rites,
leur existence même. Ces Apaches sont en train de recouvrir de pierres le
cadavre d’un défunt. En dépit de leurs allées et venues qui balaient le cadre,
nous voyons immédiatement dans la profondeur de champ et quasi-centré sur
l’écran, bien découpé entre sable et montagne et encadré par les branches
mortes des arbres desséchés, l’archange de la vengeance et de la mort. Une
forte plongée écrase le tueur. Tout dans son attitude montre que ce n’est pas
la première fois qu’il perpètre ce type de tuerie de masse; le calme, la détermination,
les mains gantées - signe de professionnalisme - et l’habileté diabolique au
tir. James Lassiter fait partie de ces tueurs d’Indiens qui hantent les
westerns. Les alter egos de l’ex-major qui tuent des Indiens par vengeance ou
par cupidité (la recherche de scalps) ou les deux à la fois sont nombreux; le sergent Vinson (Joel
McCrea) dans Fort Massacre de Joseph
M. Newman (1958), Charley (Robert Taylor), le chasseur de bisons dans La Dernière Chasse (The Last Hunt de Richard Brooks, 1956), le major Degan (Richard
Carlson) dans L’Expédition du Fort King
(Seminole de Budd Boetticher, 1953)
ont en commun le racisme érigé en bannière. Leur folie criminelle est la face
noire de la Conquête de l’Ouest et la personnification de la culpabilité
américaine vis-à-vis de cet ethnocide pratiqué à une grande échelle. Quelques
secondes suffisent à James Lassiter pour accomplir son crime. Un silence
assourdissant succède à la fusillade et enveloppe les Apaches gisant sur la
terre rougie par leur sang.
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